Une opinion décalée du fiscaliste Pierre-François Coppens, Conseil fiscal ITAA et chargé de formations à l’UCMons et à l’EPFC.
Madame Van Peteghem : « Mais que se passe-t-il mon chéri, tu es tout transpirant. Et il est trois heures du matin ! »
Monsieur Van Peteghem : « J’ai fait un cauchemar terrible. Je n’étais plus fonctionnaire ni ministre, mais je me suis retrouvé soudain sans emploi. J’ai dû débuter une activité d’indépendant pour survivre. C’était absolument terrible : je passais toutes mes journées à essayer de trouver des clients, mais avec les pires difficultés.
Bien souvent, je devais me lever très tôt pour satisfaire les clients exigeants, pour gérer tout l’administratif qui me tombait dessus : rédiger les devis, contrats, factures, réaliser les procédures d’identification du client, répondre aux courriers illisibles de l’administration ; je devais multiplier les visioconférences pour me faire connaître, me documenter en permanence pour être précis et complet, afin de rédiger des avis juridiques sans faille (alors qu’auparavant je pouvais raconter n’importe quoi sans être inquiété ) .
Je n’étais jamais certain qu’à la fin du mois je pourrais gagner suffisamment d’argent pour payer mes factures et ce stress m’épuisait grandement. Et le pire dans tout cela, c’est que, sur les quelques milliers d’euros que je gagnais comme indépendant, je me rendais compte qu’il ne me restait presque plus rien à la fin du mois, après avoir payé les cotisations sociales et l’IPP. Tu te rends compte que dès 28.000 €, je devais déjà payer 45 % d’impôts ! C’était du racket !
Comme je regrettais de n’être plus à charge de l’Etat avec la garantie d’une rémunération fixe et confortable.
J’étais obligé de subir la volatilité des clients, je risquais d’engager ma responsabilité à tout moment, je devais en permanence resté innovant et créatif, je devais subir les aléas du marché, et bien souvent je travaillais tous les week-ends. Dans ce rêve je me souviens que mon plus gros client était parti et j’étais tout perdu. Mais quelle horreur !
Pour finir, face au stress et à la précarité de cette nouvelle vie professionnelle, j’entendais partout des voix qui me disaient : il n’y a qu’une seule solution pour en sortir mon cher Vincent : il te faut créer une société de management ! Ce n’est pas la panacée, mais au moins, il te restera quelque chose à la fin du mois et tu ne seras pas dévoré entièrement par les impôts et l’ONSS.
Mais, comme je ne savais pas vraiment ce qu’était une société de management, alors je me suis renseigné. J’ai découvert que cette structure était parfaitement légale, et je me suis souvenu que, durant plusieurs mois, je ne sais pourquoi, j’avais raconté partout que cette société de management était la pire évasion fiscale. Comment ai-je pu être aussi délirant et stupide ?
Je l’avais tant décriée dans les médias, au Parlement, dans les meetings politiques, sans me rendre compte de toutes les inepties que je racontais au quotidien.
Dans ce rêve, enfin, plutôt dans ce cauchemar, devenu simple indépendant, je découvris avec effroi que j’aurais mieux fait de me taire.
La vie était si dure, si exigeante qu’un matin je suis tombé malade, totalement épuisé par tant d’efforts. Mais il n’y avait aucune possibilité de bénéficier d’indemnités en cas de maladie et je ne pouvais prendre aucun congé.
J’avais de plus en plus peur, et à un à un certain moment je me suis mis à crier !
Madame Van Peteghem : « Ça, je veux bien croire, Vincent, tes cris m’ont réveillé et ils étaient effrayants. Mais je te rassure tu peux te rendormir, ce n’était qu’un mauvais rêve et tu es sûr de rester fonctionnaire jusqu’à la fin de tes jours. N’éprouve donc aucune inquiétude ! Et n’oublie pas de prendre ton casque demain quand tu iras Rue de la Loi à vélo !
Monsieur van Peteghem : « Merci ma chérie, je me sens déjà beaucoup mieux ».
Une opinion décalée de Pierre-François Coppens.
