Eddy Caekelberghs

La poudrière des Balkans

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

La montée en puissance, en Croatie et en Serbie, des nationalistes pro-russes, et en Slovaquie de l’extrême droite nationaliste, devrait faire craindre à l’Occident une reprise de la guerre.

Depuis toujours, c’est une région explosive. L’Autriche-Hongrie, qui vit à Sarajevo l’héritier de sa couronne, l’archiduc François-Ferdinand, et son épouse Sophie Chotek tomber sous les balles d’un indépendantiste serbe manipulé (Gavrilo Princip), en a fait l’expérience. Les Balkans, cette poudrière de nationalités qui rêvent de pureté ethnique… Au risque de guerres génocidaires, comme au siècle dernier.

Et aujourd’hui, à nouveau, la violence. Au Kosovo. Disputé entre population de souche albanophone (majoritaire) et population serbe qui y voit le berceau de sa nation. Comme Moscou perçoit Kiev comme berceau de sa nation… Au Kosovo, on a dénombré récemment quatre morts dans l’attaque d’un commando serbe. Et bien sûr, le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, dénonce un “groupe terroriste soutenu et organisé par la Serbie” tandis que le président serbe, Aleksandar Vučić parle de Serbes qui se révoltent “contre la terreur d’Albin Kurti”. Et nous, nous sommes incapables de prendre les mesures qui s’imposent face à des pays qui aspirent à l’Union européenne. Dans ce cas, pas d’émotion ni de manifestations!

Pour le “Kleine Zeitung”, en Autriche, la stratégie européenne fait fausse route en tentant de concilier le chat et la souris: “Quelle stratégie adopter… avec des chefs de gouvernement erratiques comme Aleksandar Vučić qui n’arrivent toujours pas à décider s’ils préfèrent jeter leur pays dans les filets de la Russie ou de la Chine, ou le voir sous la houlette de l’UE? Comment gérer les exigences du ‘tout ou rien’ de Kurti, qui considère la reconnaissance totale du Kosovo comme une condition indispensable à la poursuite des négociations?”.

Seuls les pays de la zone prennent la mesure, contrairement à nous, trop préoccupés par l’Ukraine, verrou de notre sécurité occidentale. Ainsi, le quotidien slovène Dnevnik, qui analyse sans tourner autour du pot notre part de responsabilité: “La Serbie et le Kosovo savent très bien ce qui les oppose. Le Kosovo sera soit un Etat souverain avec tous les droits, soit un territoire réoccupé. La politique des deux pays est basée sur un nationalisme qui était déjà incontrôlable dans les années 1990. Les responsables politiques de l’Union européenne peuvent au moins déjà commencer à s’exprimer dans un langage clair. Certes, en cas de malentendu, il est plus sage de rester dans le vague. Mais en cas de conflit, cette incertitude conduit à des politiques peu avisées”.

Reprise de la guerre ?

La montée en puissance, en Croatie et en Serbie, des nationalistes pro-russes, et en Slovaquie de l’extrême droite nationaliste, devrait faire craindre à l’Occident une reprise de la guerre. La Russie a apporté son soutien à la Serbie dans cette crise naissante, trop contente de jeter de l’huile sur un feu qui implique les pays de l’Otan, et donc les Etats-Unis, écartelés entre Ukraine et Proche-Orient.

A Zagreb, le grand quotidien libéral Jutarnji List est clair: “Bien que la Serbie ait perdu des guerres au cours desquelles son peuple a commis des atrocités pour lesquelles elle a été sanctionnée et que sa propre politique ait provoqué l’exode des Serbes des pays voisins, elle reste convaincue qu’elle est un peuple élu. Qui tôt ou tard corrigera toutes les injustices dont elle a soi-disant fait l’objet. Tant que l’Occident restera les bras croisés, les Balkans seront une poudrière”…

Comme le Proche-Orient qui sombre dans des horreurs qui frappent des civils, tous âges et origines confondus. Des morts, encore. Au mépris de nos valeurs. Et de notre crédibilité. Hélas!

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