Eddy Caekelberghs
La “Francempire” fracassée
Les autorités nigériennes ont perçu plus de 9 millions d’euros l’année dernière pour la seule mine d’uranium de l’Aïr. Mais les Nigériens ne profitent que très peu des sites miniers.
Paris ne comprend pas, n’anticipe pas, n’accepte pas! Depuis l’échec de l’empire français (censé concurrencer l’empire britannique, éternel ennemi-ami concurrent), depuis l’échec de l’Afrique occidentale française puis de l’Union française, la France refuse de voir fondre sa “Françafrique”, sa “Francempire” que certains dénomment “la France en pire!”
Même si l’Elysée conserve un département présidentiel “Afrique” (souvent ténébreux), même si les DOM-TOM (départements et territoires d’outre-mer) questionnent l’anachronisme, même si la franc-maçonnerie française se mêle constamment de ces territoires africains souverains (comme elle le tente aussi au centre et à l’est de l’Europe), Paris ne comprend pas, n’anticipe pas, n’accepte pas que la France est de plus en plus détestée par ceux et celles qu’elle infantilise et instrumentalise.
L’uranium
Paris a besoin d’uranium? Qu’à cela ne tienne: Paris et ses entreprises prennent (à bas prix) les ressources minières du Niger. Ce pays était encore son premier fournisseur, à hauteur de 25%, en 2021 avant d’être relégué à la seconde place par le Kazakhstan (près de 27%) l’année dernière. L’uranium extrait au Niger est exploité depuis plus de quatre décennies par le groupe français Orano (ex-Areva), spécialisé dans le cycle du combustible nucléaire. Avec quelles retombées au Niger (ou ailleurs) si ce n’est la corruption de certaines élites? Comme pour le pétrole au Gabon, etc. Paris ne comprend pas, n’anticipe pas, n’accepte pas le “sentiment anti-français”!
Selon Orano, les autorités nigériennes ont perçu plus de 9 millions d’euros l’année dernière pour la seule mine de l’Aïr. Mais où va l’argent? Orano invoque beaucoup ses bonnes actions humanitaires au profit des habitants. Pour les ONG, ce n’est qu’une goutte d’eau au regard des nombreux profits engendrés par Orano. Les Nigériens ne profitent que très peu de ces sites miniers.
Et sous prétexte de s’en aller combattre le danger djihadiste, la France maintient des troupes, des missions militaires “spéciales”, pour préserver en fait ses intérêts. Est-ce vil? Stupide? Mauvais? Non, mais c’est surtout très maladroit. Parce qu’un pays qui incarne la leçon constante, partout, à propos des droits fondamentaux, ne devrait pas agir de manière aussi peu collaborative.
Il est clair pourtant que les empires ont une fin. Combien d’Etats du Commonwealth souhaitent se retirer de la Couronne? Combien envisagent de le quitter? A l’heure où Charles III vient de se rendre à Paris, Emmanuel Macron devrait réfléchir au fait que cette arrogance ne paie plus. Elle vexe et rend hostiles les amis et sert les ennemis.
Retrait
Deux mois après le putsch militaire au Niger, Emmanuel Macron a annoncé le retrait complet d’ici la fin de l’année des quelque 1.500 soldats stationnés dans le pays ainsi que le rappel de l’ambassadeur. Parallèlement, la junte militaire a interdit son espace aérien aux avions français. La France comprend-elle? Comprenons-nous, Européens, la leçon?
Voir le reportage de Canal Z : Afrique: épidémie de Putschs?
Je conclus avec le journal Le Monde : “Après le départ des Américains d’Afghanistan, une autre puissance occidentale doit retirer ses militaires d’un pays dans lequel elle était engagée. La France se désengage du Niger, où elle avait pensé trouver un sanctuaire pour ses troupes déjà chassées du Mali. Maigre réconfort, Paris espère organiser ce retrait de façon ‘ordonnée’, par contraste avec la désastreuse évacuation de Kaboul en 2021. Ordonné ou chaotique, et quel que soit l’ordre de grandeur, le message de ces retraits reste le même: celui d’un recul de la puissance occidentale.”
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