Rudy Aernoudt

La construction, baromètre de l’économie, passe au rouge

“Quand la construction se porte bien, c’est toute l’économie qui va bien”, dit l’adage. Une vérité que des générations d’économistes ont confirmée : le bâtiment reste un indicateur fiable de la santé économique générale. Or, en Belgique, les signaux virent aujourd’hui au rouge.

Chaque jour, huit entreprises de construction disparaissent. Rien qu’au premier semestre 2025, 1.443 faillites ont été enregistrées dans le secteur, un record historique. Cette vague, en hausse de 17% par rapport à l’an dernier, frappe surtout la construction résidentielle : l’activité a reculé de 7,3% en 2024 et encore de 3,3% (estimation) au premier semestre 2025.

La principale explication réside dans l’accessibilité du marché immobilier. Dans les années 1970, il suffisait de trois années de revenus pour acheter une maison mitoyenne. Aujourd’hui, il en faut huit. En 2025, le prix moyen d’un logement atteint 350.000 euros en Belgique, soit trois fois plus qu’il y a 50 ans (corrigé de l’inflation). À cela s’ajoutent les exigences bancaires, renforcées par les accords de Bâle, qui imposent un apport personnel moyen de 60.000 euros. Un seuil difficile à franchir, surtout pour les jeunes ménages, sauf aide parentale. Et même avec cet apport, la capacité d’emprunt reste limitée : pour financer 320.000 euros, il faut un revenu net d’environ 5.000 euros par mois, en respectant la règle de 30 à 35% du revenu consacré aux charges immobilières. Moins de 5% des jeunes ménages répondent à ces deux conditions.

Seule la croissance économique demeure la condition d’une prospérité durable.

Le secteur doit aussi faire face à une envolée des coûts : énergie, salaires, matériaux, surréglementation, sans oublier les charges liées à la transition verte, estimées à 3% du chiffre d’affaires. Dans un contexte de concurrence féroce, la répercussion de ces coûts sur les prix est quasi impossible, ce qui comprime les marges. La TVA réduite à 6% sur la rénovation constitue un soutien appréciable, mais insuffisant pour redynamiser le secteur.

Multiplier les primes ne résoudra pas la crise. Ce qu’il faut avant tout, c’est renforcer le pouvoir d’achat des ménages – notamment des jeunes – afin de stimuler la demande. Cela passe par une réduction de la fiscalité sur le travail. Côté offre, la simplification réglementaire est indispensable : la surcharge normative, en particulier dans le domaine environnemental, étouffe les acteurs du bâtiment. Les règles mouvantes et opaques découragent les initiatives. À Bruxelles, où il faut en moyenne sept ans pour obtenir un permis de construire, de nombreux promoteurs préfèrent abandonner leurs projets.

Des procédures d’autorisation plus rapides, des mesures ciblées de soutien au pouvoir d’achat et une régulation claire et stable pourraient relancer le secteur. Celui-ci entraînerait alors l’ensemble de l’économie dans une dynamique positive. Car, aussi daté que cela puisse paraître, seule la croissance économique demeure la condition d’une prospérité durable.

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