Amid Faljaoui

DeepSeek et l’hypocrisie digitale : quand l’Occident crie au loup…en copiant les mêmes pratiques

À chaque avancée d’une entreprise tech chinoise, l’Occident crie au vol et à l’espionnage. DeepSeek AI, accusé d’avoir utilisé des données d’OpenAI, en est le dernier exemple. Hypocrisie ou véritable enjeu de souveraineté numérique ?

À chaque fois qu’une entreprise chinoise s’illustre dans la tech, c’est la même rengaine : accusations de vol, soupçons d’espionnage, menaces sur la souveraineté. Le dernier à en faire les frais ? DeepSeek AI, la nouvelle intelligence artificielle chinoise, soupçonnée d’avoir siphonné des données d’OpenAI, la maison mère de ChatGPT, pour entraîner son modèle d’intelligence artificielle.

Scandale ! OpenAI et Microsoft hurlent à la triche. Pourtant, ils oublient un petit détail : leur propre IA a été entraînée en pillant allègrement tout le web, y compris des contenus protégés. En clair, ce qui est un “vol” quand c’est une boîte chinoise devient une “innovation” lorsqu’il s’agit d’une entreprise américaine.

Qui copie qui ?

L’accusation principale contre DeepSeek AI repose sur une technique appelée “distillation” : elle consiste à entraîner un modèle à partir des résultats d’un modèle plus puissant. Une méthode interdite par OpenAI… mais très répandue dans le milieu.

Ironie du sort, OpenAI s’est lui-même construit en récupérant des milliards de données en ligne, souvent sans consentement : livres, articles, posts sur les réseaux sociaux… tout y est passé. Mais quand c’est OpenAI qui le fait, c’est du génie. Quand c’est DeepSeek, c’est du vol.

David Sacks, ancien conseiller en IA de Donald Trump, parle carrément de “vol de propriété intellectuelle”. À ce compte-là, OpenAI aurait dû être poursuivi dès le départ pour s’être servi sans vergogne dans le patrimoine numérique mondial. Mais bon, il faut croire que voler est un péché… sauf quand c’est un Américain qui le fait.

TikTok : la cible facile

Même cinéma avec TikTok. Depuis des années, l’application chinoise est accusée d’espionner ses utilisateurs pour le compte du Parti communiste chinois. Pourtant, quand on regarde les chiffres, ses concurrents américains ne font pas mieux – voire pire.

Instagram partage jusqu’à 79 % des données personnelles de ses utilisateurs avec des entreprises tierces. Facebook, entre 57 % et 43 %. Google, Microsoft, Amazon ? Ils sont aussi dans la course avec des traceurs invisibles qui aspirent tout ce qu’ils peuvent. Résultat : en moyenne, un utilisateur Facebook voit ses infos revendues à plus de 2 000 entreprises, et jusqu’à 7 000 pour certains.

Mais curieusement, c’est toujours TikTok qui se retrouve au banc des accusés. Pourquoi ? Parce qu’il est chinois. Et qu’en matière de surveillance numérique, l’Occident n’aime pas la concurrence.

Priorités à l’envers

Et pendant que l’on s’inquiète de nos précieuses données, un autre paradoxe saute aux yeux : on laisse nos enfants sans défense face à l’explosion des contenus pornographiques en ligne.

On déploie des efforts considérables pour contrôler ce que DeepSeek sait sur nous – le fait que j’aime le café sans sucre, par exemple –, mais on ne fait rien contre des plateformes qui exposent des mineurs à du contenu inapproprié en quelques clics. Pourtant, ce contact avec du contenu adulte est nettement plus important à réglementer, car il risque de déformer la vie amoureuse future de centaines de millions de jeunes.

Ce deux poids, deux mesures en dit long sur nos véritables priorités. On prétend protéger la vie privée, mais on continue à scroller sur Facebook et Instagram sans se poser de questions. On s’offusque de l’espionnage chinois, mais on ferme les yeux sur la surveillance de masse made in USA.

Le véritable problème

Ce débat sur les données personnelles cache en réalité un problème plus profond : notre dépendance totale aux plateformes numériques.

Que ce soit OpenAI, Google, Meta ou TikTok, tous utilisent nos données comme carburant de leur machine publicitaire et algorithmique. Mais au lieu d’admettre que cette collecte est devenue la norme, on se contente de désigner des boucs émissaires.

L’ennemi n’est pas forcément là où on le croit. Et en matière de pillage des données, les premiers à donner des leçons sont souvent les derniers à les appliquer.

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