Sebastien Buron
La faillite de SVB ou la gueule de bois des banquiers centraux
La faillite aux Etats-Unis de la banque SVB braque les projecteurs sur la Fed et la BCE, désormais confrontées à un énorme dilemme : se concentrer sur l’inflation ou sur la stabilité financière et les difficultés d’une partie des banques à s’adapter à la hausse brutale des taux.
Le répit aura été de courte durée pour les marchés. La faillite de trois banques américaines, dont la Silicon Valley Bank (SVB), continue de secouer les Bourses, poussées également dans le rouge ce mercredi par les déboires de Credit Suisse, emportant tout le secteur bancaire européen dans sa chute. C’est que les événements braquent les projecteurs sur l’énorme baril de poudre sur lequel la planète finance s’est assise, cette énorme quantité de liquidités déversée par les banques centrales depuis plus de dix ans, de la débâcle financière de 2008 à la crise de l’énergie en passant par la pandémie.
Craintes de contagion
Certes, d’après les spécialistes, les banques européennes sont aujourd’hui plus saines et plus solides qu’avant 2008. Et il n’y aurait rien de comparable entre la chute de Lehman Brothers, star de Wall Street aux ramifications internationales, la contamination du système bancaire planétaire par le virus des subprimes à l’époque, et la déconfiture de la seizième banque des Etats-Unis décapitée par un bank run. Les craintes de contagion seraient excessives. “Le soutien décisif apporté par la Réserve fédérale et le Trésor, qui ont annoncé des mesures d’urgence au cours du week-end, permettra aux banques d’obtenir des liquidités au cours de l’année à venir sans avoir à vendre des actifs comme la SVB a été contrainte de le faire, notent les experts de Pictet Asset Management. En outre, les autorités remboursent tous les déposants de la SVB, ce qui réduit le risque d’une ruée sur les banques.» Par ailleurs, “la contagion aux banques européennes est limitée, car il est plus difficile pour les épargnants individuels d’accéder aux obligations d’État en Europe qu’aux États-Unis. Les dépôts sont plus stables et les pertes liées au marché sont immédiatement valorisées.”
Retournement de tendance
Cela étant, et c’est là toute l’ironie de l’effondrement de la SVB et des malheurs de Credit Suisse, l’histoire s’est transformée en un retournement de tendance. En en une belle gueule de bois pour les banquiers centraux. Ils vont devoir maintenant, surtout la Réserve fédérale américaine (la Fed), lever le pied sur leur hausse de taux et l’inflation pour se concentrer sur la stabilité financière et les difficultés d’une partie des banques à s’adapter à la hausse brutale des taux. D’aucuns comme Hans Dewachter, économiste en chef chez KBC, estiment que le dilemme aux États-Unis est plus grand que dans la zone euro. “Mais en Europe aussi, les décideurs politiques devront être prudents. Je m’attends à ce que la BCE continue de relever ses taux alors que l’inflation sous-jacente continue d’augmenter. Mais elle examinera les données disponibles à chaque réunion, également dans une optique de stabilité financière”, indique l’économiste de KBC dans le Standaard du jour. Comme quoi les mésaventures d’une “petite” banque américaine spécialisée peuvent avoir de grandes répercussions sur la vie des consommateurs et des épargnants belges. Les perspectives d’une croissance résiliente en 2023 s’éloignant au profit d’un net ralentissement.
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