Politique du logement: qu’est-ce qu’on attend?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

C’est une anecdote que le gouverneur de la Banque nationale Pierre Wunsch aime raconter. “Je discutais avec quelqu’un qui a un salaire d’une institution européenne basée à Bruxelles. Il me disait qu’il avait vu une jolie maison à 400.000 euros. Il voulait l’acheter. Mais en évaluant le montant des travaux qu’il devait faire pour l’isoler et la mettre aux normes, il s’est aperçu qu’il devait débourser 200.000 euros de plus, et il a trouvé cela trop cher.” Si des fonctionnaires européens s’interrogent sur le coût d’une isolation, que dire alors des ménages au pouvoir d’achat moins élevé ?

Avoir un toit au-dessus de la tête est un besoin de base. Et si cela devient un souci, si se loger devient trop cher, il y a alors un problème politique majeur. Oui, c’est un problème politique, car si, lorsque l’on est femme ou homme politique, on n’est pas directement responsable de l’évolution démographique, on l’est de la réglementation.

Côté démographique, la population continue de croître lentement, grâce à l’immigration. Toutefois, le nombre de ménages croît encore plus vite, parce qu’il est le reflet d’une société en mutation. Selon Statbel, sur les 5,1 millions de ménages que compte le pays, 27% environ sont composés soit d’isolés, soit de familles monoparentales. D’ici 35 ans, le pays devrait compter 6 millions de ménages : 900.000 logements de plus seront nécessaires. Il y a donc une nécessité d’adapter l’offre à la demande.

La réglementation, ce sont les acceptations de permis de bâtir ou les règles d’isolation pour les candidats acquéreurs. Si l’on prend les règles en vigueur en Wallonie, à partir du 1er juillet 2026, le nouvel acquéreur d’une maison devra atteindre un PEB D dans les cinq ans. Et en 2041, l’obligation sera d’atteindre un PEB A. Qui pourra se le permettre ?

Si l’on réduit l’effort de décarbonation de l’immobilier résidentiel à la seule obligation d’isoler, la facture sera en effet colossale. La Banque nationale, dans son dernier rapport annuel, estime à 350 milliards d’euros la dépense à fournir pour que le secteur du logement atteigne le net zéro d’ici 2050. Encore faudra-t-il réussir à trouver matériaux, main-d’œuvre et financement pour ce faire.

“Si l’on réduit l’effort de décarbonation de l’immobilier résidentiel à la seule obligation d’isoler, la facture sera colossale.”

Oui, il faut élargir notre champ de vision, et ne pas considérer seulement le logement sous l’angle de la rénovation énergétique, sinon on risque de dépenser des fortunes sans nécessairement pouvoir atteindre l’objectif.

Il n’y a pas de solution miracle, mais la moins mauvaise manière d’appréhender le sujet est de mettre toutes les possibilités à plat et de lancer un débat, que Pierre Wunsch appelle de ses vœux, pour décider d’une politique de logement efficace et abordable. Faut-il détruire davantage de logements vétustes ? Faut-il assouplir les règles d’isolation et réorienter l’effort en partie vers la décarbonation des systèmes de chauffage ? Faut-il être plus coulant dans l’octroi de permis de bâtir ? Les réponses ne sont pas simples, mais ces questions doivent être posées.

Et dans ce débat, les entreprises auront un rôle majeur à jouer. Dans notre édition du 6 juin, Bernard Delvaux, qui pilote le groupe de matériaux de construction Etex, soulignait combien il était indispensable de rénover voire reconstruire notre parc immobilier, “vieux, peu efficace ther­miquement et environnementalement. Il faudrait un taux de remplacement de 3%, mais on est plutôt à 1% et cela décroît”, disait-il, ajoutant : “il y a un besoin important de logements de qualité à prix abordable. (…) Investir dans un grand plan serait un gain politique, social, économique et environnemental”. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?

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