Pierre-Henri Thomas
PFAS, glyphosates. Est-il si difficile de communiquer?
Que ce soit pour les PFAS ou le glyphosate, nous sommes confrontés à des substances utiles mais potentiellement dangereuses.
“On nous cache tout, on nous dit rien. Plus on apprend, plus on ne sait rien”, chantait Jacques Dutronc un an avant 1968. Voilà bien les deux maladies de la communication: tout cacher ou trop dire. Prenez les exemples récents des PFAS et du glyphosate, le désherbant critiqué dont l’Europe vient pourtant de reconduire l’autorisation pour 10 ans.
Le cas des PFAS est l’exemple type du “on nous dit rien”. Face à un problème relativement simple mais très embêtant, à savoir le dépassement de normes de sécurité dans l’eau potable, les autorités (ministre et Société wallonne de gestion des eaux) ont courageusement attendu… on ne sait quoi d’ailleurs. Avec pour résultat un manque de transparence et une hésitation désastreuse dans la communication qui vont un peu plus encore décrédibiliser les pouvoirs publics.
Le dossier du glyphosate est plus fascinant. Il relève du “plus on apprend, plus on ne sait rien”. Depuis des années, ce désherbant est utilisé dans l’agriculture pour nettoyer les sols mais est considéré par une grande majorité de la population comme totalement nuisible. Le glyphosate, pour reprendre le vocabulaire des sondeurs, est un marqueur qui nous place sans nuance du côté vert ou pro-industriel.
Que ce soit pour les PFAS ou le glyphosate, nous sommes confrontés à des substances utiles mais potentiellement dangereuses.
Ce n’est pourtant pas si simple. Le produit n’est pas exempt de tout risque mais il est utile pour les agriculteurs. Il permet de pratiquer une agriculture de conservation qui offre le meilleur rapport entre production et respect de l’environnement. Preuve par l’absurde: en France, les chemins de fer, qui sont désormais obligés de s’en passer, doivent inscrire une rallonge budgétaire d’un demi-milliard d’euros par an pour désherber les voies et utilisent pour cela des moyens qui, a priori, sont bien plus nocifs.
Certes, en 2015, une agence indépendante a classé le glyphosate dans les produits “probablement” cancérigènes pour l’homme, mais avec un degré de dangerosité de l’ordre de la charcuterie ou de la lampe à bronzer. Certes, un dossier à charge, les Monsanto Papers, a été diffusé. Mais les études étaient plus que biaisées: Tim Litzenburg, l’avocat à l’origine de ces “révélations”, a été condamné pour tentative d’extorsion. Cela ne dédouane cependant pas Monsanto qui a effectivement utilisé des méthodes de propagande plus que limites pour défendre son produit et le marché des semences qui y est lié. Car en effet, on ne peut pas prétendre non plus que le produit soit sans risque.
Le plus important, toutefois, est que les scientifiques, dans les agences sanitaires saisies du dossier en Europe, en Asie, en Amérique, ont conclu à l’absence de danger dans un contexte d’utilisation raisonnée. Sans menace importante au niveau épidémiologique dans l’utilisation du produit, le rapport risque-bénéfice penche en faveur du bénéfice, en limitant cependant son usage au domaine strictement agricole. Sauf à penser, comme certains lors de l’épidémie de covid, que toutes les agences sanitaires sont corrompues, cette position tempérée (rappelons qu’il s’agit d’une autorisation cadrée et temporaire) paraît la plus judicieuse. Elle est pourtant inaudible pour beaucoup.
Que ce soit pour les PFAS ou le glyphosate, nous sommes confrontés à des substances utiles mais potentiellement dangereuses. Cela pousse à la précaution (ne permettre l’utilisation que là où le bénéfice dépasse les inconvénients) et à la transition (inciter l’industrie à travailler à la création de solutions ou de produits de substitution). Serait-ce un message si difficile à faire passer?
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