Les atermoiements européens sur la riposte aux droits de douane américains, sur les sanctions contre la Russie ou sur l’adoption du Mercosur témoignent de l’inadaptation des institutions européennes aux dangers du monde actuel.
Le commerce mondial est devenu un champ de bataille. À l’heure où Donald Trump impose à l’Union européenne des droits de douane supplémentaires de 30%, où Meta a décidé d’investir des centaines de milliards dans l’IA, et où le continent a connu son mois de juin le plus chaud depuis 1979 (rappelant que l’environnement reste une urgence), le processus de décision européen est lent, incertain et incite à l’inaction.
Du Mercosur aux droits de douane
Prenez le Mercosur. L’accord commercial avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay a été signé au début du mois de décembre de l’an dernier, après vingt ans de négociations. Sept mois plus tard, il n’est toujours pas entré en vigueur. Le texte de l’accord est toujours en cours de révision juridique, il n’a pas encore été ratifié par le Conseil de l’UE, le Parlement européen, ni, selon la nature juridique de l’accord (mixte ou exclusif à l’UE), par les parlements nationaux. En fait, les États membres ne sont toujours pas d’accord sur son contenu.
Prenez le 18e paquet de sanctions contre la Russie, décidé début juin. Il abaisse à 45 ou 47 dollars le baril le prix plafond du pétrole et renforce les sanctions contre la flotte fantôme et le système bancaire. Il devrait infliger à l’économie russe des dommages sévères et pousser Moscou à négocier enfin vraiment la paix en Ukraine. Un mois plus tard, il n’est toujours pas adopté, en raison du blocage de la Hongrie, la Slovaquie et Malte.
Et ces dernières heures, la décision des États-Unis d’infliger des droits de douane supplémentaires de 30%, bien supérieurs aux 20% annoncés en avril et qui faisaient l’objet de discussions pour être abaissés, a laissé les instances européennes aphones.
Quelle crédibilité ?
Pourtant, un mécanisme de rétorsions automatique avait été adopté dès le 9 avril : sans accord, une première salve portait les droits de douane européens à 25% sur 21 milliards d’euros de produits américains, ciblant des secteurs stratégiques comme le soja, le cuivre, les motos, le tabac, la volaille, les grains, les vêtements et les métaux.
Et des mesures supplémentaires portant sur une liste élargie augmentaient la menace de rétorsion à un ensemble de près de 100 milliards d’euros de produits. Certes, ces mesures avaient été mises sur pause en attendant l’issue des négociations. Mais puisque celles-ci avaient, il n’y avait aucune raison de ne pas les enclencher. Si ce n’est qu’à nouveau, les États membres tergiversent. L’Allemagne redoute une guerre commerciale qui mettrait son industrie à genou. La France, elle, est en faveur d’une rétorsion musclée. Et la Commission doit à nouveau remettre son plan de représailles sur le métier (on parle désormais d’un paquet de produits de 72 milliards). Question crédibilité, on a vu mieux.
Majorité simple
Cette inertie européenne est d’autant plus dommageable qu’ailleurs, on ne s’embarrasse pas de détails et l’on répond au nouveau contexte économique mondial rapidement, et avec force.
Une région comme l’Asie-Pacifique s’affirme avec des accords dynamiques. Le CPTPP, le partenariat transpacifique, auquel s’est joint le Royaume-Uni l’an dernier, réunit dans un accord de libre-échange 11 pays de la région et au-delà (avec des poids lourds comme le Canada, le Japon, le Mexique, l’Australie, Singapour..), couvrant près de 15% du PIB mondial et un marché de 500 millions de personnes.
Non, l’Europe ne peut pas se prévaloir d’être le plus grand marché mondial qui par sa seule présence amènera les partenaires commerciaux à elle. L’Europe doit, de manière urgente, revoir sa structure de décision, et mettre un terme à sa paralysie institutionnelle. Il est temps d’adopter le vote à la majorité qualifiée pour les grandes décisions commerciales, tout en renforçant le budget communautaire pour compenser l’impact potentiellement négatif qu’aurait une décision sur l’une ou l’autre région de l’Union. Cela permettrait à l’Europe de négocier rapidement et d’envoyer un signal clair à ses partenaires mondiaux.