Olivier Mouton
Nombrilisme politique et immobilisme
Le début de 2024 devait être marqué par un débat sur les réponses à apporter aux défis innombrables de cette époque, en vue d’une série d’élections décisives, ces prochains mois, dont des scrutins belges et européens le 9 juin. Or, à quoi a-t-on assisté ces premiers jours de l’an ? A une série de marchandages politiques et de préoccupations relatives aux carrières personnelles qui laissent perplexe à l’heure où la politique est déjà tellement décriée.
Le gouverneur de la Banque nationale, Pierre Wunsch, a dû être prolongé de façon temporaire à la tête de l’institution par le Conseil de régence, pour éviter un vide du pouvoir. Sa nomination décisive était bloquée en raison de jeux politiques liés à d’autres fonctions dirigeantes (des SPF Finances et Justice à l’Ocam), mais aussi à un bras de fer sur… l’interprétation de l’accord médico-mutualiste au sujet de suppléments d’honoraires pour les médecins. Cet affrontement entre libéraux et socialistes n’a été que temporaire, tout est rentré dan l’ordre mercredi 10 janvier avec la renomination à titre définitif de Pierre Wunsch. Mais comment comprendre que l’on endommage de la sorte l’image d’une Banque nationale qui est tout de même le gardien de la stabilité financière? Le signal est désastreux.
Charles Michel, président du Conseil européen, a annoncé sa décision d’emmener la liste du MR pour les élections européennes. En soi, il est logique qu’il défende devant les électeurs un bilan, par ailleurs décrié, à la tête de cette institution. Mais c’est aussi et surtout un calcul au sujet de son avenir personnel: n’ayant pas obtenu une autre fonction internationale, il se positionne pour devenir président du Parlement européen voire pour revenir sur la scène politique belge. Ce faisant, il devra quitter sa fonction, pourtant cruciale pour l’Europe, avant terme. La décision est fortement critiquée tant elle illustre la préoccupation première de nos dirigeants: faire carrière.
La décision de Charles Michel est fortement critiquée tant elle illustre la préoccupation première de nos dirigeants: faire carrière.
Plus que jamais, nous avons besoin d’une vision à long terme et de choix courageux dépassant les intérêts partisans. Les enjeux sont vertigineux pour notre économie et notre démocratie: sauver notre compétitivité dans un monde de plus en plus concurrentiel, réussir la transition énergétique en vue de la décarbonation programmée en 2050, investir dans notre défense pour se protéger d’un voisin russe hostile, revivifier nos démocraties face à la montée des extrêmes, créer de la richesse pour faire face au risque de paupérisation accélérée… Ces priorités appellent un parler vrai et un dévouement de tous les instants. Pas des calculs d’apothicaires ni des egos surdimensionnés.
Le fondement du système, basé sur une particratie forte, est remis en cause par des forces populistes qui risquent bien de rafler la mise en 2024. L’hypocrisie n’est pas absente car ces mêmes forces veulent en réalité… amplifier le mouvement. L’extrême droite et l’extrême gauche prétendent porter un autre discours mais leur idéologie porte en elle le renforcement de cette logique partisane et de courte vue. Aux Etats-Unis, le retour d’un Donald Trump revanchard pourrait même virer à la dictature. Le seul horizon actuel, c’est une polarisation du débat saluant la voix du plus fort. Une fuite en avant face aux décisions difficiles pour l’avenir.
Le nombrilisme politique engendre, trop souvent, un immobilisme coupable dans un monde qui bouge à une vitesse accélérée. Le renouveau passera par un apaisement des passions furieuses et une concentration maximale sur l’intérêt général. Que l’on ne s’y trompe pas: cela demande aussi que les citoyens reconnaissent ceux qui priorisent le fond. Et pas les petites phrases, les likes ou les coups bas. z
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