Olivier Mouton
Niger, Ukraine, Syrie… : l’Europe doit reprendre sa place dans un monde dangereux
La crise au Niger, après les guerres en Ukraine et en Syrie, illustre la déstabilisation russe dans tous les pourtours de l’Union européenne. Moscou est un poison, mais Bruxelles doit aussi se réinventer. Voici comment.
Une nouvelle déstabilisation de la Russie dans les pourtours de l’Europe. Charles Michel, président du Conseil européen, a eu des mots forts, lundi soir, pour pointer du doigt la responsabilité de Moscou dans la crise au Niger.
Campagnes de désinformations, manifestations organisées, coup d’Etat, main de Wagner… : le scénario ressemble à s’y méprendre à ce qui s’est déjà passé au Burkina Faso ou au Mali. La Russie souffle sur les braises d’un anti-colonialisme persistant. Alors que, paradoxe de l’histoire, elle impose une nouvelle forme de colonialisme, désargenté.
Le Niger est un lieu stratégique, militaire et énergétique, en raison de ses importants gisements d’uranium. C’était aussi un des rares pôles de stabilité dans la région. Voilà pourquoi la stratégie de la tension et la débâcle en cours, avec l’évacuation annoncée des ressortissants français, est tout sauf une bonne nouvelle.
Cette stratégie de la tension imposée par Moscou fait inévitablement penser à la stratégie du pourrissement choisie par Vladimir Poutine en Syrie, puis en Ukraine. Avec une violence débridée et un discours anti-occidental primaire. Les marches de l’Europe sont en feu ou malmenées parce que, on l’a compris, le modèle libéral et démocratique européen est la cible suprême.
L’Union doit rester ferme face à ces agressions hybrides et permanentes. Charles Michel a exprimé toute sa détermination, et on ne peut qu’appuyer la volonté française et européenne de « restaurer l’ordre constitutionnel » à Niamey. Le soutien de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et déterminant en ce sens, mais une escalade militaire risque de créer un nouveau foyer de guerre. Comme si la mondialisation du conflit était en cours.
Surtout, l’Europe doit poursuivre son travail pour reprendre sa place dans un monde dangereux, ce qui nécessite au moins trois évolutions.
Premièrement, l’Europe doit cesser de croire naïvement que la démocratie libérale trouvera d’elle-même un soutien dans les pays concernés. C’est un travail et un combat de tous les instants, qui nécessitent une approche ferme dans la communication et agressive s’il le faut
Deuxièmement, elle doit mettre de l’ordre dans ses institutions, évoluer rapidement vers une Communauté politique représentée et incarnée par des personnalités légitimes. Charles Michel tente d’exister, mais les tensions récurrentes avec Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission, ont sapé l’unité européenne, au fil du temps.
Troisièmement, la France, la Belgique et les autres pays ne feront pas l’économie d’un débat sur les erreurs du passé colonial et la construction d’un nouveau lien avec l’Afrique. C’est vital pour l’avenir, car l’Afrique est une source de richesses importantes et le foyer de la jeunesse de demain.
A cet égard, la seule question à se poser est de savoir s’il n’est pas déjà trop tard. La Russie, avec ses manières de truand, mais aussi et surtout la Chine ont mis la main sur le continent. Tandis que les djihadistes y sèment le chaos.
Pour l’Europe, la période actuelle est sans aucun doute une ère existentielle pour son modèle. Et pour son pouvoir. Il est urgent de prendre la mesure de ce défi.
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