Cent jours au Seize et, déjà, une gravité assumée. Le Premier ministre, Bart De Wever (N-VA), a marqué le début de son règne par une série d’interviews télévisées, le week-end dernier. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’enthousiasme ne transpirait pas de ses prises de parole. “Pour moi, c’est un devoir plus qu’un plaisir”, a-t-il exprimé. Et cela se sent. La presse qualifie le nationaliste flamand de “calviniste” ou estime qu’il “vend du plomb”, au lieu de vanter une “start-up nation”. Délibérément.
L’heure est grave car “le bilan de la Vivaldi, c’est le Titanic”, justifie-t-il. Le pays est “au bord de la faillite” et sa capitale en proie à “des jeux politiques sans fin de la gauche”. C’est le chagrin des Belges ! Bart De Wever défend ses réformes dans un contexte de résistance, tout en avertissant : remettre de l’ordre en une législature, ce sera “impossible”. Son parler vrai mérite d’être entendu. Sa volonté de garder le cap est courageuse et décisive. Mais dans un monde chaotique, on attend autre chose.
Une vision et une espérance. Voilà ce que les citoyens et les entreprises sont en droit de revendiquer. Au-delà de cette austérité qui ne dit pas son nom, Bart De Wever pourrait montrer l’horizon, vanter la résilience de l’économie, imposer notre place dans une industrie de la défense plus stratégique que jamais, saluer la volonté wallonne de se redresser… Les sacrifices, ne faut-il pas leur donner un sens ? Les Belges doivent tenir bon et faire le gros dos, c’est vrai, encore doivent-ils savoir pourquoi ils le font.
Notre pays est en manque d’un projet sociétal fort et d’un pacte social revitalisé, depuis tant d’années, au-delà de sa survie même. Siège de l’Union européenne et de l’Otan, sa capitale se meurt à petit feu. Difficile, évidemment, d’attendre qu’un nationaliste flamand transcende la situation. Bart De Wever dit “profiter de l’occasion offerte par les électeurs” pour réformer, tout en rappelant ses “convictions institutionnelles”. Après le sacrifice, une réforme de l’État ? C’est le fatalisme belge.
Rien n’empêche, pourtant, l’Arizona fédérale de projeter sa vision de façon positive. Mettre sur la table un projet alliant liberté économique, sauvegarde démocratique et dynamisme identitaire. L’Union européenne est à un carrefour, notre pays fondateur pourrait accompagner les Macron, Merz et autres Tusk dans leur marche en avant. La Belgique a le grand atout d’être une plaque tournante et terre d’innovations : pourquoi ne pas en faire une force ? En vantant sa diversité, flamande, wallonne et bruxelloise.
La fermeté sur la ligne à suivre n’empêche pas le dialogue social et la force de la conviction.
La fermeté sur la ligne à suivre n’empêche pas le dialogue social et la force de la conviction. Aux magistrats qui se lamentent de voir leur future pension rabotée, pourquoi ne pas répondre en les emmenant dans une réforme constructive de la justice ? Aux cheminots qui débrayaient sans fin, pourquoi ne pas vanter l’impact décisif de leur contribution ? Dans ce dernier cas, Jean-Luc Crucke (Les Engagés, Mobilité) a forcé la décision d’une mise sur pause des grèves en osant le débat, là où Jan Jambon (N-VA, Pensions) s’entêtait en affirmant qu’il ne bougerait pas d’un iota. Voilà la preuve que l’on peut emmener les gens avec soi.
Les entreprises le savent: dans ce monde qui chavire, l’agilité est la principale vertu. Pour conquérir d’autres marchés ou pour s’adapter aux coups de froid. Le sens à donner à leur mission doit primer, faute de quoi elles risquent de disparaître. Au-delà de la gravité des cent jours, le Premier ministre doit endosser le costume du CEO de la SA Belgium et faire rêver les citoyens. Faute de quoi, il risque d’être balayé.