Olivier Mouton
Mobiliser contre les clichés wallons
En sachant que la seule réponse aux critiques flamandes serait de réussir – enfin… – une mobilisation générale en Wallonie au service de son redressement.
Oui, il est temps d’arrêter le “bashing” anti-wallon, cette critique systématique de la Région et de ses performances. Stop au cliché du “Wallon paresseux” dont on nous rabâche sans cesse les oreilles. Car c’est insupportable et, en partie, injustifié. Et oui, il est l’heure d’écrire un récit wallon positif, ancré dans son passé glorieux, mais tourné vers l’avenir. Car il est vital de croire en un destin collectif, ouvert et tolérant, mais fier et affirmé. Voilà un message fort, contenu dans deux livres sortis simultanément ce mois d’octobre. Qui visent juste, mais doivent désormais convaincre.
Tous deux ont l’ambition de changer les regards. Pour mieux mobiliser en faveur de la Wallonie et reconstruire des ponts avec la Flandre. Het Verhaal van Wallonië, signé par Alain Gerlache, éditorialiste à la RTBF et ancien porte-parole du libéral Guy Verhofstadt au 16, a le mérite de proposer un regard posé à l’attention du public flamand. Wallonie-Flandre, par-delà les clichés, publié par Thomas Dermine, secrétaire d’Etat fédéral à la Relance et figure montante du PS, a l’audace nuancée d’un homme ambitieux, qui doit ménager le passé de son parti pour construite demain.
La Wallonie se comporte comme d’autres régions industrielles telles que le Nord-Pas-de-Calais ou la Ruhr…
Le socialiste Thomas Dermine éreinte un discours nationaliste transpirant dans tout le discours flamand. “Dans le discours de la N-VA, si vous changez ‘Wallon’ par une minorité ethnique ou religieuse, vous avez un discours ouvertement raciste”, dit-il, non sans victimisation.
Dans son livre, le Carolo relativise les critiques en jonglant avec les données: l’écart des richesses entre Flandre et Wallonie est de 26-27%, mais il se stabilise depuis 20 ans ; les transferts Nord-Sud sont de 7 milliards, mais ils diminuent légèrement et sont moins importants que dans d’autres pays ; la Wallonie se comporte comme d’autres régions industrielles telles que le Nord-Pas-de-Calais ou la Ruhr…
Le fatalisme wallon “est aussi le résultat d’un certain nombre d’échecs collectifs”, nuance Alain Gerlache. On a raté la reconversion, les plans de relance et les subsides européens s’accumulent sans changer la donne. Bref, un mea culpa francophone, surtout du dominant PS, serait bienvenu face ce fiasco. En Flandre, on ne manque pas de le faire remarquer.
Thomas Dermine “confirme les clichés de la Wallonie sur la Flandre”, tonne Edwin De Boeck, responsable du service d’études économiques… de la N-VA. “Moins de deux Wallons de 20 à 64 ans sur trois travaillent, dénonce Stijn Baert, professeur d’économie du travail à l’UGent. Rien n’a été fait, ou presque, alors que les Régions disposent désormais de la compétence pour activer les chômeurs.”
Les rapports de force permettront-ils de transformer ces essais dans la réalité?
“J’ai 37 ans, je ne vais pas m’excuser de ce qui a été fait alors que je n’étais pas né”, plaide Thomas Dermine. Que l’on verrait bien à la ministre-présidence wallonne ou à l’économie après les élections de juin 2024. Dans son plaidoyer, aussi sincère qu’il puisse l’être, le plus intéressant est son plan en six points pour la Wallonie du futur: réindustrialisation dans des secteurs porteurs d’emploi, priorité aux filières de la transition écologique, réconcilier aménagement du territoire et développement économique, miser sur le capital humain, oser les complémentarités avec la Flandre et développer un sens de la responsabilité wallon. Sur papier, le plan d’action a de l’allure. Reste à l’activer.
La seule réponse aux critiques flamandes serait de réussir – enfin… – une mobilisation générale en Wallonie au service de son redressement. Thomas Dermine et Alain Gerlache mettent cette priorité absolue à l’agenda.
En espérant qu’il ne soit pas trop tard. En Wallonie, le PTB prospère. En Flandre, le Vlaams Belang capitalise sur le rejet de l’autre. Les rapports de force permettront-ils de transformer ces essais dans la réalité? Dans l’adversité, à vrai dire, nous n’aurons plus le choix.
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