Olivier Mouton
Make Europe Economy Great Again!
L’esprit d’Anvers plane au-dessus de l’Europe. Le 20 février dernier, 73 CEO d’industrie avaient remis une liste de 10 “actions urgentes” afin de restaurer la compétitivité au sein de l’UE. Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Alexander De Croo, Premier ministre d’une Belgique qui préside actuellement l’UE, avaient promis d’apporter une réponse. Un sommet européen extraordinaire y est enfin consacré cette semaine. Un premier pas. Pour tout dire, il y a urgence, car l’Europe s’effondre face à la Chine et aux Etats-Unis qui soutiennent massivement leur économie et ne cultivent guère de scrupules dans la guerre économique actuelle.
Notre compétitivité européenne, en réel danger, nécessite une action vigoureuse. “Cela dévisse fortement depuis deux ou trois ans, confirme Ilham Kadri, CEO de Syensqo. La crise énergétique et inflationniste n’a pas aidé. Nous avons posé 10 demandes très simples: préserver un prix de l’énergie abordable, bâtir une infrastructure énergétique, mais aussi promouvoir l’innovation parce qu’on en parle beaucoup, mais on ne l’aide pas encore assez. Il faut accélérer l’octroi des permis parce que nous sommes souvent bloqués par la bureaucratie, n’ayons pas de langue de bois.” Cette CEO très écoutée se félicite de ce sursaut des patrons – “je n’avais jamais vu ça!” – et insiste sur un volontarisme permettant de mener de front les combats pour l’économie et l’environnement.
Notre compétitivité européenne, en réel danger, nécessite une action vigoureuse.
“Make Europe Economy Great Again!” La formule a été utilisée par Enrico Letta, ancien Premier ministre italien, auteur d’un rapport pour relancer le marché unique européen, en compagnie de son compatriote Mario Draghi, ex-président de la Banque centrale européenne. Les deux hommes plaident pour un marché européen des capitaux et une plus grande intégration dans des domaines où cela reste un tabou: l’énergie, les finances, les télécoms ou encore la défense. Quelque 300 milliards d’euros d’épargne privée pourraient être mobilisés pour mener à bien les révolutions nécessaires dans des secteurs stratégiques. Avec un tel appui, bienvenu, on pourrait vraiment réindustrialiser l’Europe. Et on éviterait de sombrer comme on le fait pour l’instant.
François Michel, CEO de John Cockerill, applaudit ce changement de paradigme. “Nous, industriels, avons besoin de vitesse et de marchés clairs sur lesquels nous pouvons parier, nous confie-t-il dans un long entretien. Il y a un grand consensus parmi les grands décideurs européens sur la nécessité de croire en nos capacités. Je suis convaincu que c’est un changement considérable par rapport à la naïveté d’il y a 20 ans. En tant que chef d’entreprise, je suis extrêmement confiant.” Il l’est d’autant plus que son groupe, historique en Wallonie, va doubler de taille en deux ans grâce à la défense et l’énergie, notamment. Un sursaut remarquable. Mais il insiste aussi: des aménagements sont nécessaires, dont une réforme de l’indexation automatique des salaires.
La Wallonie peut se trouver au cœur de ce renouveau européen, tant elle est bien placée et dispose d’un savoir-faire impressionnant, affirme ce Français, qui fut conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à la présidence. Son mot d’ordre: “Le pessimisme ne mène à rien, nous avons tout pour réussir”. Voilà un credo volontariste qui fait du bien en cette ère anxiogène. Encore faut-il que les mesures de soutien suivent et que cet élan ne soit pas contrarié par une vague populiste aux élections du 9 juin. Pour ceux qui en douteraient encore, voilà un enjeu pour lequel il est vital d’aller voter.
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