Olivier Mouton
L’irresponsabilité de Conner Rousseau
La Belgique est au bord du gouffre budgétaire. L’Europe se cherche une compétitivité perdue. Les États-Unis se fracturent autour de l’élection présidentielle, tandis que les conflits, militaires ou économiques, grondent. Au milieu de ce brouhaha mondial, un jeune homme a joué avec la patience de notre pays depuis le 9 juin dernier. Conner Rousseau, président de Vooruit, le parti socialiste flamand, a fini par se retirer de la formation du gouvernement fédéral, lundi 4 novembre, sans jamais avoir réellement entamé les négociations. Ce n’est plus de la politique, c’est de la com’ cynique.
“Les logiques de communication prennent trop souvent le dessus sur l’analyse socio-économique, les réactions sur les réseaux sociaux guident davantage les négociateurs que les chiffres des sherpas”, écrit Philippe Ledent, senior economist d’ING, dans sa chronique, qui ajoute ensuite que “sur le plan économique, on ne peut pas dire que la situation soit brillante”. Ralentissement sévère de la croissance, industrie en recul… Conner Rousseau dénonçait, tel un slogan, que la “Supernota” de Bart De Wever “épargnait les riches et les multinationales, au détriment de la sécurité sociale. Une posture populiste. “C’est grotesque et aux antipodes des discussions tenues”, s’irrite d’ailleurs Maxime Prévot, président des Engagés.
Dans un entretien conjoint accordé à Trends-Tendances, les présidents du MR et des Engagés, Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot, affichent une belle complicité et n’y vont pas par quatre chemins: “II ne faut pas mentir aux gens. Les mesures que le gouvernement devra prendre ne seront pas toutes populaires, mais elles sont nécessaires. On ne trouve pas de recette miracle sous le sabot d’un cheval pour réduire de 16 milliards les dépenses publiques”. N’est-ce pas pour cela que Conner Rousseau s’est retiré ou que Paul Magnette, président du PS, se sent bien dans l’opposition? Courage, fuyons.
La responsabilité de cet échec apparaît pleinement reposer sur les épaules d’un Rousseau dont la maturité politique semble proche du néant.
La quête d’une alternative sera difficile. L’Arizona (N-VA, MR, Engagés, CD&V et Vooruit) semblait jusqu’ici la seule formule réaliste. Bart De Wever consulte jusqu’au 12 novembre et le scénario d’un retour de l’Open Vld est évoqué. “Ce sera plus facile de le convaincre que de ramener Conner à la table”, entend-on. Pourtant, le parti du Premier ministre en affaires courantes, Alexander De Croo, tente de se refaire une santé dans l’opposition après sa débâcle électorale. De plus, il est de notoriété publique que ses relations avec la N-VA sont mauvaises. L’annonce d’un retour de la “Suédoise” (coalition qui a gouverné entre 2014 et 2018, sous la direction de Charles Michel, mais cette fois avec les Engagés) est-elle plausible?
Ce nouvel épisode donne l’image d’une classe politique hors sol, même si la responsabilité de cet échec apparaît pleinement reposer sur les épaules d’un Conner Rousseau dont la maturité politique semble proche du néant. En Belgique, la formation des gouvernements wallon et flamand permet d’offrir une forme d’assise (très confédérale) à notre économie. Mais le fédéral est seul responsable de l’épure budgétaire réclamée par la Commission européenne en décembre. Sur la table de l’Arizona, il y avait 28 milliards à trouver, dont 16 milliards de dépenses réduites. Un retour aux urnes, inévitable en cas de blocage complet, ne peut pas être une option.
À l’heure où “l’Occident” s’affaiblit économiquement et est menacé par les régimes dictatoriaux de toutes natures, nos élus semblent condamnés à jouer le spectacle de discussions stériles et d’impuissances caractérisées. Face à l’irresponsabilité d’un Conner Rousseau, quatre autres présidents se tiennent toutefois debout et refusent de se livrer à de la surenchère. Puisse leur discours vérité trouver une majorité, vite.
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