Olivier Mouton

Les spectres de la Wallonie à gauche et de la défiance

Thierry Bodson, président de la FGTB, plaide en faveur d’un front de gauche PS-Ecolo-PTB après les élections du 9 juin. Il avait déjà fait ce rêve en 2019 avec le résultat que l’on sait: des discussions stériles entre socialistes et extrême gauche durant des semaines, pour revenir ensuite à la raison et à des majorités plus classiques. Cette fois, toutefois, le PTB laisse augurer d’une attitude plus constructive si le rapport des forces est en sa faveur et si ses partenaires concèdent une “rupture”.

Le programme commun de ce front de gauche, selon le syndicaliste, contiendrait le maintien des acquis sociaux comme l’indexation des salaires, une réduction du temps de travail, des nationa­lisations de secteurs stratégiques, le refinancement de la sécurité sociale – en résumé, bien des dépenses supplémentaires, avec la taxation du grand patrimoine comme source miracle de revenus. De quoi faire peur aux investisseurs? Le Portugal s’est bien redressé avec un tel front de gauche au pouvoir, plaident ses partisans. Un avis loin d’être partagé dans les milieux économiques.

Cette perspective d’une Belgique francophone radicalisée serait suicidaire avec la Wallonie et Bruxelles bien mal en point sur le plan budgétaire, face à une Flandre qui basculera à droite. Elle risquerait de mettre nos Régions dans une situation de quasi-faillite et élargirait la fracture avec le nord du pays jusqu’au point de rupture. Que ferait ce “front de gauche” face à une Flandre dominée par le Vlaams Belang (a priori exclu du pouvoir) et la N-VA? Résister, faire la grève et se retrancher?

Quelle que soit la majorité, la plus grande difficulté consistera à mobiliser les citoyens pour œuvrer à un projet collectif.

Cet appel à gauche toute n’est qu’une posture de campagne, pour faire monter les enchères en vue des tractations d’après-scrutin. Paul Magnette, président du PS, appelle de ses vœux la coalition la plus progressiste possible, mais de nombreux socialistes considèrent toujours le PTB comme un parti stalinien. Ecolo ne voit pas forcément d’un œil positif une cohabitation avec ce rival… très peu écologique. Georges-Louis Bouchez, président du MR, dénonce une “coalition des chômeurs”, mais dans les rangs libéraux, on décompte déjà le nombre de voix PTB nécessaires pour rendre le MR incontournable. Car il est entendu que le PTB n’accèdera pas au pouvoir. La vraie coalition progressiste rêvée par Magnette serait un Olivier avec Ecolo et les Engagés. Sans Bouchez.

Les petites musiques distillées lors d’interviews donnent heureusement une autre ligne. Le ministre-­président wallon Elio Di Rupo (PS) constate que “la Wallonie ne crée pas assez d’entreprises”. Le ministre wallon de l’Economie, Willy Borsus (MR), insiste auprès de Trends-Tendances pour que la mobilisation se généralise en Wallonie, la priorité étant d’accroître le taux d’emploi. Sur notre site internet, le Bruxellois Christophe De Beukelaer (Les Engagés) souligne la nécessité de rompre avec “un gouvernement de gauche anti-entreprises” dans la capitale et souhaite une politique plus agile, plus innovante. Après la résilience des crises, le temps est venu pour la Belgique de se réformer.

Le constat le plus inquiétant vient d’un baromètre publié par l’Institut wallon des statistiques (Iweps): le niveau de confiance dans les institutions politiques a dramatiquement chuté en cinq ans, passant de 60-70% à 30-40%. Un décrochage historique, qui nourrit les extrêmes et l’abstention. Quelle que soit la majorité, la plus grande difficulté consistera à mobiliser les citoyens pour œuvrer à un projet collectif. A moins que le moment ne soit venu de les responsabiliser face à la situation et de s’appuyer sur les énergies positives. Pour une Belgique plus agile et plus libre.

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