Pierre-Henri Thomas

Il est temps que les partis qui visent le pouvoir quittent leurs vieux livres de cuisine

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le Bureau fédéral du Plan a remis voici quelques jours son rapport sur le coût des programmes des partis. Le jeu a ses limites : le Plan n’a estimé que le coût des mesures qui lui ont été soumises. Par ailleurs, certaines mesures sont difficilement chiffrables. Comment estimer par exemple tous les “effets retours”? Comment réagirait une économie qui serait soumise, souhait du PS, à 18 milliards d’euros de nouvelles taxes ? Comment réagiraient les marchés à un gonflement du déficit public qui atteindrait 7,5% du PIB, conséquence des mesures fiscales du MR? 

Malgré ces limites, l’exercice est très intéressant. Car il révèle les priorités fixées par le politique et sa manière de fonctionner. Et l’on voit que s’il y a d’excellentes idées, il y a aussi pas mal d’esbrouffe. 

Prenons la fiscalité et les finances publiques. Aucun, mais alors aucun parti ne propose dans son programme des mesures qui permettraient d’abaisser le déficit public sous les 3% du PIB, qui est pourtant l’objectif demandé par l’Europe. Quatre partis ont même des propositions qui dégradent l’état déjà peu reluisant de nos finances, en faisant passer le déficit public au-delà des 5,6% du PIB, niveau qui serait atteint en ne touchant à rien. Or on sait qu’en nous écartant sciemment d’une trajectoire budgétaire soutenable, nous serons soumis à la procédure européenne de déficit excessif. On nous présente donc des mesures qui ont toutes les chances de ne jamais pouvoir passer la rampe. 

C’est d’autant plus dommageable que nous avons besoin de réformes. Et plus particulièrement d’une grande réforme fiscale, un dossier vieux comme la Lune. Depuis quand nous assène-t-on que l’impôt n’est pas assez progressif et qu’il taxe trop le travail ? Depuis quand nous dit-on que c’est un des éléments clés pour doper le taux d’emploi, soutenir la croissance et donc permettre d’affronter les défis qui sont devant nous (coûts du vieillissement, de la sécurité, de la transition énergétique) avec de meilleures cartes en mains ? Mais qui croit encore aux propositions fiscales des partis, eux qui, lors des gouvernements précédents, et malgré les promesses, n’ont pas réussi à accoucher d’un accord avec un tant soit peu d’ambitions ? 

Le plus triste, sans doute, est que cette ouverture des vannes de l’argent public et du contribuable (en rehaussant les taxes) est terriblement peu efficace : elle ne permettra pas de réaliser l’objectif de réduction des gaz à effets de serre qui nous est assigné (on sait déjà que l’on rate à la fois l’objectif budgétaire et l’objectif climatique), elle nous laisse avec une politique énergétique dans les limbes et, plus généralement, amène bien peu d’activités : pour le Bureau du Plan, ces mesures proposées induiraient une croissance comprise, selon les partis, entre 1,3 et 1,7% du PIB…. 

Pourquoi ? Parce que les partis oublient qu’ils ne sont pas au cœur de la machine. Comme le disait voici quelques jours, à nos confrères de La Libre, le fondateur de Pairi Daiza Eric Domb : “Quelles que soient leurs couleurs, je suis toujours stupéfait d’entendre que des gouvernants se vantent du nombre d’emplois ‘qu’ils ont créés’. Mais ils n’ont rien créé du tout ! Ces emplois sont nés grâce à des femmes et des hommes qui ont pris des risques, qui y croient. Des entrepreneurs”. Si l’on veut un peu de changement, il est temps que les partis qui visent le pouvoir quittent leurs vieux livres de cuisine, qu’ils ne proposent pas des mesures dispendieuses propres seulement à contenter leur électorat potentiel, mais proposent un vrai projet de société. Il est temps de cesser de se regarder le nombril.

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