Pierre-Henri Thomas

Finances publiques: il est temps de balayer devant sa porte

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Aurait-on déjà oublié le sens de l’urgence qui sourdait du rapport Draghi sur la compétitivité européenne voici trois semaines ? On peut s’interroger à la lecture des programmes des nouvelles coalitions mises en place en Flandre et en Wallonie, dont le premier geste a été de distribuer quelques cadeaux aux électeurs.

En Flandre, l’accord entre N-VA, cd&v et Vooruit repose surtout sur trois milliards et demi de dépenses supplémentaires, visant la base électorale de chaque partenaire : pour le cd&v une indexation totale des allocations familiales, pour Vooruit des primes scolaires et de soutien aux élèves, pour la N-VA une diminution des droits d’enregistrement et de succession, et pour un peu tout le monde un milliard d’euros d’investissement dans l’enseignement et le “bien-être”. Le gouvernement wallon, lui, on le sait, a décidé de revoir les droits de succession et de donation. Le manque à gagner pour les finances wallonnes est estimé à 700 millions d’euros sur cette législature.

On ne comparera évidemment pas la situation de la Flandre, qui compte atteindre sans réels efforts l’équilibre budgétaire en 2027, avec celle de la Wallonie, qui devra suivre un plan d’austérité drastique pour essayer de trouver l’équilibre en 2034 (et on ne parle pas des situations plus difficiles encore de Bruxelles et de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Cependant, il est singulier de voir que, malgré ces paysages financiers contrastés, le premier geste des nouveaux gouvernements régionaux a été de détailler le menu de ce qu’ils allaient distribuer, mais de rester très vagues sur la gestion des dépenses et sur leur stratégie industrielle et environnementale.

Depuis peu, le Portugal peut se financer à moindre coût que la Belgique, parce que le pays a réalisé un redressement spectaculaire de ses finances publiques.

À un moment où l’on nous dit que l’urgence absolue est de redresser la compétitivité, de soutenir l’innovation et de répondre au défi climatique, on aurait voulu d’autres symboles. Il est paradoxal, par exemple, que la Région flamande lève le pied sur l’investissement climat au moment même où les assureurs du pays s’inquiètent de la dévastation qu’auraient causée en Flandre des inondations similaires à celles qui ont touché l’Europe centrale. Si la tempête Boris était passée en Flandre, elle aurait sans doute causé pour 6 ou 7 milliards de dommages. Il y a donc des mesures à prendre aujourd’hui pour limiter les dégâts demain.

Si nos économies veulent rattraper leur retard, il faut rassembler tous les moyens financiers disponibles et lever des milliards de financement, privés mais aussi publics. Et pour ce faire, il faudra plus que jamais veiller à la qualité de nos dépenses publiques, au fédéral, mais aussi au niveau régional, ce qui sera un élément prépondérant pour attirer les investisseurs. On le voit déjà : depuis peu, le Portugal peut se financer à moindre coût que la Belgique, parce que le pays a réalisé un redressement spectaculaire de ses finances publiques ces dernières années. La dette portugaise est ainsi retombée fin de l’an dernier en dessous des 100% du PIB. La nôtre est toujours largement au-delà.

Pourquoi est-ce important ? Pas pour imposer une austérité mortifère, mais parce que si nous voulons provoquer ce choc de compétitivité et d’innovation qui nous est indispensable, il faudra lever des centaines de milliards au niveau européen. Or, les pays dits “frugaux” freinent des quatre fers parce que nous ne les avons pas encore convaincus que nous n’utiliserions pas cet argent communautaire pour combler nos déficiences budgétaires. Comme disait un haut fonctionnaire d’un pays voisin, “il faut balayer devant sa porte”. Au vu des déclarations régionales de ces derniers jours, il y a encore de la poussière sur le seuil.

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