Olivier Mouton
Gouverner comme des ingénieurs respectueux
La Belgique est un îlot de stabilité en Europe. Qui aurait cru lire cela un jour? Politiquement, les négociations vont bon train depuis les élections du 9 juin. Une majorité de centre-droit MR/ Engagés pourrait voir le jour en Wallonie assez rapidement. En Flandre, la N-VA pactise avec le cd&v et Vooruit. Même en Région bruxelloise, où la situation était épineuse, le MR se lance avec les Engagés et le PS. Au fédéral, l’informateur Bart De Wever a planché sur une formule Arizona pour une majorité N-VA, cd&v, Vooruit, MR et Engagés. Le spectre d’une crise de 541 jours, comparable celle qui avait bloqué le pays en 2010-11, s’éloigne. Divine surprise.
Au même moment, la France tangue avec des élections législatives de tous les dangers, la possible arrivée au pouvoir du Rassemblement National ou un chaos ingouvernable… digne de la Belgique d’antan. Les Pays-Bas ont installé l’extrême droite au pouvoir. L’Allemagne vacille. Si la Belgique est un îlot de stabilité, elle risque d’être impactée par la situation délicate dans laquelle se trouvent nos voisins. Attention aux remous européens, voire au retour d’une crise de la dette qu’activerait un programme économique farfelu dans un de ces “laboratoires”.
“On va gouverner le pays comme des ingénieurs, pas comme des poètes”, clame Georges-Louis Bouchez, président du MR, provoquant les réactions outrées des poètes, voire… d’ingénieurs regrettant que l’on divise le pays en clans. Soyons de bon compte : s’il faut respecter la démocratie et tenir compte de la cohésion sociale, la gestion d’un pays par des ingénieurs signifierait une efficacité de fonctionnement et une rigueur budgétaire bienvenues, alors que les nuages s’accumulent dans le ciel. Pas de répit, c’est le temps des réformes pour se prémunir des dangers. Fiscalité, emploi, pensions, gouvernance… : les chantiers sont considérables.
La gestion d’un pays par des ingénieurs signifierait une efficacité de fonctionnement et une rigueur budgétaire bienvenues.
L’épreuve de vérité de messieurs Bouchez et Prévot consiste à réussir un subtil équilibre entre rapidité, nécessité de casser les codes de la politique et concertation, capacité à faire des Wallons et Bruxellois des “acteurs de changement”. “Attention à ne pas confondre vitesse et précipitation”, confiait un responsable économique à l’issue de son audience à Namur. Les représentants de structures ou associations ont été violemment secoués par les négociateurs. La volonté de rupture est évidente. Notre démocratie “obèse” doit être allégée… mais pas démolie.
“Un vent nouveau souffle” , se félicite une responsable de fédération sectorielle. Le style très direct des vainqueurs est un signe de détermination. Il ne doit pas virer à l’arrogance. Pour gérer comme des ingénieurs, ils doivent s’appuyer sur les forces vives de la société et mettre en mouvement tant les administrations que les entreprises. Respecter ceux qui sont prêts à bouger! “Ecraser ne sert à rien!”, clamait Yvan Verougstraete, ex-CEO de Medi-Market, devenu député européen (Les Engagés). Une sage invitation.
Place à l’ambition et à la vision. Dans ce numéro, Fabrice Brion, CEO d’I-care, dit croire à la possibilité pour notre pays de concrétiser ses ambitions et de donner naissance à des leaders mondiaux dans le domaine de la tech. “Concrètement, cela impliquerait une gouvernance claire de la part du politique, des accents forts en matière de recherche, un soutien financier et une compréhension des opportunités par les entrepreneurs”, dit-il. Un état d’esprit conquérant, voilà la potion magique. Pour le répandre largement, une dynamique s’impose: miser sur l’intelligence collective.
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