Olivier Mouton

Résister à une époque darwiniste:”seuls les plus forts, les plus grands ou les plus agiles survivront”

Olivier Mouton Chef news

Les droits de douane imposés par Donald Trump sont effectifs depuis le 7 août. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère où la menace de guerre commerciale fait partie du quotidien. Et où l’incertitude prévaut en permanence.

Ceux qui ont senti le souffle du boulet un jour peuvent être frappés le lendemain. C’est simple et inattendu. Pour les entreprises, cette instabilité permanente est la pire des choses, elles qui ont besoin de visibilité pour croître. A fortiori à une époque où les défis sont dantesques, entre défense, vieillissement, climat et déferlement de l’intelligence artificielle. Il faudra s’adapter à ce chaos.

L’économie reste, pourtant, résiliente. Le FMI table encore sur une croissance mondiale autour de 3% en 2025 et 2026. Fin juillet, l’hebdomadaire The Economist analysait le “capitalisme téflon“, du nom de cette matière qui résiste à tout, ou presque. Bon an mal an, le capitalisme s’est réinventé depuis des décennies en intégrant les critiques. Malgré les crises à répétition, de chocs financiers en guerres et pandémies, les entreprises ont réorganisé leurs chaînes de valeur, misé sur l’innovation, adapté leur business et pris la tête de la révolution climatique.

“La question est de savoir jusqu’à quand nos économies résisteront”, nous disent en retour les économistes Bruno Colmant et Marek Hudon. Car ce “capitalisme téflon” est aussi le fruit d’une “mondialisation heureuse” dont le chemin semble se terminer. La question se pose surtout pour l’Europe, qui a eu tendance à se reposer sur ses lauriers et son système social né de la Seconde Guerre mondiale. Pour le sauvegarder, elle doit se réinventer. Pierre-Olivier Gourinchas, chef économiste du FMI, l’a dit lors de ses prévisions : des réformes structurelles importantes s’imposent.

L’époque est darwiniste

L’époque est darwiniste. Le nouveau paradigme des droits de douane, comme celui de l’ère technologique, choisira entre ceux qui continueront à croître et ceux qui, comme la Suisse ou l’Inde dans un premier temps du moins, avaleront la pilule. En Bourse, ceux qui réussissent sont célébrés plus fortement, ceux qui souffrent chutent lourdement. Dans l’édition ou le cinéma, les blockbusters cartonnent davantage, les petits acteurs disparaissent. Cela vaudra dans tous les domaines.

Le nouveau paradigme des droits de douane, comme celui de l’ère technologique, choisira entre ceux qui continueront à croître et ceux qui avaleront la pilule.

Seuls les plus forts, les plus grands ou les plus agiles survivront. L’Europe a du pain sur la planche. “Il est désormais urgent que nous relisions le rapport Draghi et que l’on consolide nos entreprises à l’échelle continentale pour faire face au choc”, nous dit Bruno Colmant.

En Belgique, le gouvernement De Wever est loin d’être au bout de ses peines. Après l’accord de l’été, le défi budgétaire se présente à l’automne. Les réformes du chômage, des pensions ou de la fiscalité sont “un petit pas dans la bonne direction”, nous disait l’économiste Jean Hindriks lors d’un récent Trends Talk sur Trends Z. Ce sont des évolutions qui auraient dû être initiées il y a bien longtemps. Il faut accélérer.

On repense à cette expression du président français Emmanuel Macron : “L’Europe est une végétarienne dans un monde de carnivores, elle doit au moins devenir omnivore”. On songe à cette évidence réfutée tant et plus : pour partager la richesse, il faut avant tout la créer. Et l’on se dit que par-delà les effets d’annonce et l’incertitude déstabilisante, il faut conserver une rigueur d’action pour préserver nos économies et notre bien-être. Car ce premier été du retour de Trump risque d’être particulièrement meurtrier.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content