Olivier Mouton
Chers amis français, inspirez-vous de la Belgique
Le Rassemblement National pourrait gouverner la France avec une majorité absolue à l’issue du second tour des élections législatives, ce dimanche 7 juillet. Le risque est réel. Ce serait un tournant historique pour l’Union européenne. Pour l’empêcher, les partisans du président Emmanuel Macron et la gauche plurielle du Nouveau Front Populaire appellent à un barrage républicain, fissuré avant d’être né. Entre appels à se désister, non-consignes de vote et affinités sélectives, c’est le chaos. La faute à un Jean-Luc Mélenchon qui multiplie les provocations et à une droite républicaine en manque de clarté, comme en avait déjà témoigné le virage d’Eric Ciotti.
Jamais le débat politique français n’aura été aussi polarisé, gorgé de caricatures et de contre-vérités. L’Europe tout entière regarde les yeux écarquillés une de ses plus grandes démocraties, celle de Lumières, tomber dans l’ornière du populisme. Avec toutes les conséquences potentiellement dramatiques que cela pourrait engendrer pour les Vingt-Sept, tant sur le plan budgétaire qu’en matière de préservation des libertés. Il est encore temps d’empêcher le pire, mais cela nécessiterait une révolution culturelle accélérée. Pour laquelle la Belgique pourrait servir d’inspiration.
Chers amis français, et si vous vous inspiriez de notre modeste expérience? Politiquement, les extrêmes – Vlaams Belang et PTB – ont certes obtenu des scores importants aux dernières élections, mais notre scrutin à la proportionnelle lisse les résultats et notre culture du compromis permet de s’entendre entre démocrates. Pour faire barrage, mais aussi pour dresser un projet aussi cohérent que possible, au service de la majorité des Belges. Il fut un temps où nous regardions avec un intérêt passionné vos joutes verbales éloquentes et votre système majoritaire plus clair que le nôtre. Aujourd’hui, ces échanges nous paraissent vulgaires ou hors sol.
Il est encore temps d’empêcher le pire, mais cela nécessiterait une révolution culturelle accélérée.
Notre modèle médiatique rend une telle dérive moins probable. En France, les basculements du paysage audiovisuel ont propulsé des médias importants entre les mains de Vincent Bolloré, grand avocat et architecte d’une union des droites entre le Rassemblement National et les Républicains. Plusieurs médias de gauche célèbrent, sans réserves, ni limites, le soutien aux partisans de la France insoumise. Entre racisme décomplexé et antisémitisme larvé, les expressions sont devenues outrancières. La tempérance des médias belges devient un modèle à suivre.
La classe politique française, dans son ADN, est déconnectée de la réalité. En décrétant la dissolution, le président Emmanuel Macron a voulu “rendre la voix au peuple” pour provoquer un séisme et rebattre les cartes du paysage politique. Un jeu dangereux. On peut critiquer Georges-Louis Bouchez, Paul Magnette, Maxime Prévot ou Jean-Marc Nollet, mais ils s’imprègnent du terrain et restent connectés aux réalités socio-économiques des Belges. Le pouvoir “jupitérien” de l’Elysée a perdu le lien avec ces trop nombreux Français victimes d’un “grand déclassement”. Une rupture.
Pour faire barrage à l’extrême droite, il serait vital que les républicains, les macronistes, les socialistes, les écologistes et les insoumis anti-Mélechon unissent leurs forces et délaissent leurs egos. On appellerait cela une coalition “à la belge”. Dans la foulée, on adapterait le système français pour introduire la proportionnelle et mettre en place des gouvernements de coalition. Objectifs: sauver la prospérité, menacée, et empêcher la mort de la démocratie. Chers voisins, est-il utopiste d’espérer ce sursaut salutaire?
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