Olivier Mouton
Cessons d’intégrer nos défaites
L’heure est grave. Historique. Tant au niveau de notre défense collective que de l’avenir de nos économies ou de la lutte contre le changement climatique, nous voilà à un moment décisif. La Belgique et l’Europe n’ont plus le choix: il s’agit de s’armer, dans tous les sens du terme, pour faire face à des défis sans précédent. Réinvestir dans notre industrie de défense pour préserver la paix. Agir pour éviter cette désindustrialisation larvée qui est entamée. Soutenir la transition écologique. Revivifier notre système démocratique en réponse à la montée des extrêmes, à droite et à gauche.
Sommes-nous conscients de ce qui se joue, alors que notre modèle d’économie de marché et de démocratie libérale est contesté dans le monde entier? Sommes-nous prêts à fournir les efforts suffisants pour le défendre? Dans un débat public polarisé comme jamais, le sentiment amer de nos défaites intégrées s’exprime trop souvent au service d’idéologies du grand remplacement ou du grand déclassement. La Belgique et l’Europe ne seraient plus que l’ombre d’elles-mêmes, disent les extrémistes de droite et de gauche. Nous ne serions plus à même de rayonner face aux puissances émergentes et aux dictatures. Vraiment?
A moins de trois mois des élections fédérales, régionales et européennes du 9 juin, les tensions sont vives et les inquiétudes grandes, c’est vrai. La réélection triomphale de Vladimir Poutine à la tête de la Russie, dans un simulacre de scrutin le 17 mars, et la perspective d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche tétanisent. D’autant que l’ombre de la Chine, géant machiavélique, plane sur le monde. Face à ces modèles peu réjouissants, nous avons pourtant bien des arguments à faire valoir.
Pour continuer à profiter d’une vie pacifique et prospère, nous devons adapter notre modèle socioéconomique et nos comportements.
“L’Europe n’est pas parfaite mais, ces dernières décennies, le continent vit dans la paix et la prospérité”, soulignait l’ancien président américain Barack Obama, récemment de passage à Bruxelles. “Et pourtant, les gens se plaignent… Relisez l’histoire!” Le président français Emmanuel Macron suscite un tollé quand il dit ne pas exclure l’envoi de troupes au sol en Ukraine, mais sa provocation sert de piqûre de rappel: il faut tout faire pour empêcher la Russie de gagner. “Si nous voulons la paix, il nous faut préparer la guerre”, dit Charles Michel, président du Conseil européen. Tous les trois ont raison quand ils mettent en avant la nécessité d’être déterminés.
Tenons-nous droits! Le sursaut européen doit s’afficher par une fierté de ce que nous représentons et une volonté de défendre notre mode de vie fait de tolérance, d’épanouissement individuel et de richesses. Mais nous devons aussi être conséquents quant au prix à payer. Winston Churchill prévenait à l’aube de la Seconde Guerre mondiale que nous devrions verser “du sang et des larmes”: nous n’en sommes pas là, mais le temps est venu de se retrousser les manches. Réformer ce qui doit l’être. Simplifier nos modes de fonctionnement. Balayer ces défaites que l’on intègre trop souvent.
Le besoin d’une économie dynamique est criant face aux montagnes à franchir. Après le cri d’alarme du secteur agricole, les industries appellent à être soutenues et soulagées de trop nombreuses contraintes. “Il faut agir d’urgence”, nous disent Clarisse Ramakers et Bart Steukens, alors que le constructeur flamand de bus Van Hool est menacé de faillite. Face au changement climatique et aux menaces venues d’ailleurs, nous avons besoin d’innovation et de compétitivité. Pour continuer à profiter d’une vie pacifique et prospère, nous devons adapter notre modèle socio-économique et nos comportements. Pour préparer l’avenir. Pas pour le mettre en danger.
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