Olivier Mouton

Budgets: à force de faire l’autruche…

Olivier Mouton Chef news

La comptabilité budgétaire, en notre époque de défis multiples, ne peut plus être un exercice d’apothicaire. Elle doit adopter une hauteur de vue qui fait défaut.

La situation budgétaire des pouvoirs publics est grave. Et si elle n’est pas désespérée, il est grand temps d’agir pour éviter que la Belgique ou certaines de ses entités ne deviennent la Grèce. Le refrain est connu, excessif selon certains, mais pourtant non dénué de vérité. L’épreuve est d’autant plus délicate que nous sommes en fin de législature: tous les partis ont déjà le regard braqué sur les élections. Après des années de déni, justifié en partie par les crise traversées (covid, inondations, Ukraine, énergie, inflation), voici venue l’heure de vérité. Car l’ère de l’argent gratuit est terminée et la hausse des taux rappelle que les dettes ne sont pas des cadeaux éternels.

Des efforts importants sont nécessaires à tous les étages. Le gouvernement fédéral d’Alexander De Croo doit trouver environ un milliard d’euros d’ici la déclaration du Premier ministre à la Chambre, le mardi 10 octobre. Si la Flandre a déjà son accord, cadeaux électoraux à la clé, les entités fédérées francophones sont, elles, au bord du précipice. Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mettait en garde, dans notre Trends Talk sur Canal Z: selon l’UNamur, la dette wallonne passera de 124,4% des recettes aujourd’hui à 172,4% en 2028, à politique inchangée. Ce sera encore plus grave pour Bruxelles: on passerait de 194% à 286% en 2028. “Ce n’est pas en ignorant le problème budgétaire qu’il s’évaporera”, alertait Sven Gatz (Open Vld), dans L’Echo.

Et la démographie ?

Bien sûr, tant la pandémie que les inondations ou la guerre étaient “imprévisibles”. Mais ne sommes-nous pas dans une époque où de telles crises sont susceptibles de se multiplier? Le défi climatique, les incertitudes économiques et géopolitiques sont des externalités que l’on ne peut plus ignorer, tandis que le coût du vieillissement de la population est, lui, une donnée prévisible et constante. Or, on feint de l’ignorer. La comptabilité budgétaire, en notre époque de défis multiples, ne peut plus être un exercice d’apothicaire. Elle doit adopter une hauteur de vue qui fait défaut.

Il est à nouveau question de thérapies ponctuelles: on pourrait taxer les banques ou le capital, ne pas remplacer des fonctionnaires ou grignoter quelques dizaines de millions ça et là. Mais où seront donc restées les réformes structurelles dont ce pays a tant besoin? Fiscalité, pensions, emploi, climat…: là où la Vivaldi fédérale et les entités fédérées auraient dû faire preuve de vision, tout s’est dilué au gré des circonstances mais, aussi et surtout, en raison des querelles politiques.

L’épreuve de vérité est de facto reportée à la prochaine législature. Tant la réforme fiscale que l’aménagement des fins de carrière ou l’activation des chômeurs se retrouveront au menu des négociations de la prochaine majorité fédérale, comme le mix énergétique du futur. Les présidents de partis francophones se sont entendus sur une rationalisation des institutions et des compétences entre les Régions et la Fédération, mais ce sera… pour la négociation à venir. Idem pour la taxe kilométrique à Bruxelles.

Le risque est que ce big-bang à tous les échelons de pouvoir devra se faire sous la pression du Vlaams Belang et du PTB: l’un est le premier parti de Flandre et l’autre à deux doigts de l’être en Wallonie, selon le dernier sondage Le Soir/ RTL-TVI. L’autre danger, c’est que las de cette absence de réaction, le nord du pays sera demandeur d’une réforme de l’Etat, au risque de bloquer le pays. Dans neuf mois, au soir du scrutin du 9 juin, on se demandera: pourquoi a-t-on fait l’autruche pendant cette législature?

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