Pierre-Henri Thomas

Banques : et à la fin le client 
paie toujours

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le football, disait-on il y a 20 ans, est un sport qui se joue avec un ballon, deux équipes de 11 joueurs et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne. Aujourd’hui, s’il fallait définir une banque, on dirait que c’est un endroit où à la fin, c’est toujours le client qui paie.

Voici quelques jours, le gouverneur de la Banque nationale, Pierre Wunsch, au micro de la VRT, commentait le niveau toujours très bas des taux du livret d’épargne. Son message tenait en trois points. Un: l’épargnant qui cherche des taux élevés peut les trouver, notamment sur les comptes à terme.
Deux: sur les comptes plus liquides comme le livret, il existe encore une marge de hausse.
Et trois : il ne faut néanmoins pas s’attendre à une hausse spectaculaire car il faut regarder à la fois le taux auquel les banques se financent et le taux de rendement de leurs actifs.

Or, les banques se financent aujourd’hui sur le marché interbancaire à près de 4%, et elles ont encore de vieux portefeuilles de crédits immobiliers constitués quand les taux étaient au plancher. “Les banques ne peuvent donc pas offrir un taux d’épargne de 3 ou 4 % à tout le monde”, ni sur tous les produits, conclut Pierre Wunsch, avec raison.

Ceux qui ont le courage de pousser la porte d’une agence ont l’impression de se retrouver un jour de semaine à Bruxelles-Central à l’heure de pointe.

La première conséquence de cette situation est que si un gouvernement forçait un jour les banques à relever les taux sur la totalité de l’encours du livret (290 milliards environ), on assisterait à un pénible jeu de vases communicants. Oui, l’épargnant serait mieux rémunéré, mais les banques voudraient préserver leur rentabilité, et le client verrait donc ses frais bancaires ­augmenter, les services diminuer et les taux du crédit renchérir. Or l’épargnant et le client sont la même personne.

On sait qu’il est facile de tirer à vue sur les banquiers, mais ces derniers pourraient prendre des mesures qui les réconcilieraient un peu avec leurs clients. Oui, augmenter le taux sur l’entièreté des 290 milliards logés dans le livret risquerait de déstabiliser les banques. Mais dans des pays comme la France, il existe un livret d’épargne populaire, plafonné à 10.000 euros, réservé aux plus modestes et offrant actuellement un taux de 5%, assez élevé pour battre l’inflation. Ne pourrait-on pas s’en ­inspirer ?

Si les banquiers voulaient redorer leur image, ils devraient aussi travailler la qualité de certains services de base. Il est stupéfiant de constater qu’il existe des problèmes sérieux concernant la distribution de cash. A quoi cela sert-il d’avoir des applications mobiles qui permettent de regarder les goals d’Anderlecht (quand il y en a) ou d’acheter un billet de train si l’on ne peut s’approvisionner au distributeur du coin ? Trop souvent, ceux qui ont le courage de pousser la porte d’une agence ont l’impression de se retrouver un jour de semaine à Bruxelles-Central à l’heure de pointe. Les banques pourraient offrir un réseau d’agences suffisamment accessible, évidemment aux personnes les moins connectées et les plus âgées, mais aussi à tous. Le service humain, de proximité, avec une personne de confiance ne devrait pas être réservé aux clients VIP.

Résumons : si l’on améliorait déjà à la marge la rémunération de l’épargne liquide, si on renforçait les prestations de services, et pas seulement les services digitaux, et si l’on ne pressurait pas les tarifs à chaque occasion, l’image des banques s’en trouverait améliorée, et la satisfaction du client aussi. Et ce n’est pas une question de coût : la rentabilité des fonds propres des banques s’est renforcée ces dernières années et tourne désormais autour de 10%.

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