On ne voudrait pas faire de peine à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mais son rêve d’une Europe libre, forte et souveraine s’effiloche comme un vieux drapeau flottant dans la tempête. On ne parle même pas du plan diplomatique et militaire, où c’est une évidence, mais bien du terrain économique, où la compétitivité européenne est mise en lambeau par la politique agressive des concurrents chinois et américains, soutenus à bout de bras par leurs gouvernements respectifs. Et malheureusement pour nous, la Flandre et le port d’Anvers, le poumon industriel du pays, sont le terrain d’observation idéal de cette tendance.
Le géant pétrolier Exxon Mobil envisage, en effet, de se défaire de ses usines flamandes, estimant que l’Europe ne propose plus de climat favorable aux grands investissements, rapporte le Financial Times. BASF réexamine depuis le mois de mars son projet de créer une usine de captage de CO2, un investissement d’un milliard, alors que TotalEnergie a décidé de fermer une usine d’éthylène. Tous ces grands industriels investissent ailleurs, et principalement aux États-Unis. Mais les compétiteurs chinois ne sont pas en reste, car la guerre en Ukraine leur permet de s’approvisionner en gaz et pétrole russes à bas prix.
Voici quelques jours, Jacques Vandermeiren, le patron du principal port du pays, constatait dans les colonnes de L’Écho qu’aujourd’hui “BASF et consorts commencent à réduire la voilure (…) Ils ont des usines en Chine, aux États-Unis, au Moyen-Orient, qui produisent exactement la même chose. Et que voient-ils ? Un coût plus élevé chez nous, surtout à cause de l’énergie, quatre à cinq fois plus chère qu’ailleurs”.
Davantage encore que le coût salarial, les prix énergétiques constituent en effet le point d’attention majeur de nombreuses entreprises industrielles. C’est également vrai dans les services, où le cloud et l’intelligence artificielle sont des outils qui réclament eux aussi leur part d’électrons. Or, malgré les nombreuses études, puis les avertissements de plus en plus angoissés, nous n’avons toujours pas de politique énergétique attrayante pour garder ces entreprises. Certes, ces dernières années, les sources d’énergie renouvelable se sont largement développées chez nous. Selon la Creg, les éoliennes et les panneaux solaires ont produit plus de 25% de notre électricité l’an dernier. Mais c’est loin d’être suffisant. Nous avons été obligés, en 2024, d’importer un huitième du total de l’électricité consommée dans le pays, en devant nous acquitter au passage d’une facture de plus d’un milliard d’euros. Un montant versé aux producteurs étrangers, essentiellement les centrales nucléaires françaises.
“Les entreprises paient des tarifs de réseau en augmentation de 30 à 40% par rapport à l’an dernier.”
La situation, qui est le résultat d’un manque de décisions stratégiques depuis une quinzaine d’années, ne risque pas de s’améliorer. On table, au minimum, sur un doublement de notre consommation d’électricité d’ici à 2050. Sans la construction de nouvelles centrales nucléaires, l’objectif sera difficilement soutenable. De même, le réseau devra suivre pour être capable d’acheminer ces électrons. On le voit déjà : plus on sollicite le réseau électrique – pour connecter les sources d’énergie renouvelable, pour gaver le parc grandissant de voitures électriques ou pour importer depuis les pays voisins –, plus le tarif augmente. Les entreprises le sentent de plus en plus douloureusement ; elles qui paient des tarifs de réseau en augmentation de 30 à 40% par rapport à l’an dernier.
En l’absence des investissements nécessaires et de soutien (comme en Allemagne), pendant combien de temps encore assisterons-nous sans réagir au spectacle de nos entreprises pressurées dans cet étau énergétique mortel ?
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