Philippe Ledent
Institutions européennes: y a-t-il un pilote dans l’avion?
Les derniers indicateurs économiques de la zone euro ne sont pas bons. Les indicateurs PMI, très surveillés par les marchés financiers, ont une fois de plus montré la faiblesse du secteur industriel européen : le niveau de l’indicateur reste largement compatible avec une contraction de l’activité dans le secteur. Jusqu’à présent, cette faiblesse était compensée par une relative bonne santé du secteur des services, ce qui a permis à la zone euro d’éviter la récession. Néanmoins, la nette baisse de l’indice PMI des services en novembre montre que la faiblesse de l’industrie commence à peser sur l’ensemble de l’économie.
Les indicateurs belges ne sont pas en reste. Ainsi, la confiance des consommateurs a atteint, en novembre, son plus faible niveau depuis deux ans, traduisant l’inquiétude grandissante des ménages face à une situation macroéconomique qu’ils ressentent de plus en plus précaire. Il faut dire que la succession d’annonces de fermetures d’usines et de restructurations crée effectivement un mauvais climat de confiance. Mais ce n’est pas simplement une impression ! Faut-il rappeler qu’au deuxième trimestre, l’emploi n’a plus progressé en Belgique ?
Cette situation conjoncturelle précaire, comme je le soulignais il y a quelques semaines, devrait pousser les partis qui négocient la formation d’un gouvernement à fixer au plus vite un accord permettant au moins de redonner un peu de stabilité politique au pays. Entre la recherche d’un sursaut de croissance économique et les réformes structurelles indispensables, ce n’est pourtant pas le travail qui manque.
La France et l’Allemagne sont affectées par l’instabilité politique et l’absence de toute mesure ambitieuse de politique économique.
Ceci étant, on pourra toujours se consoler en contemplant la situation politique de nos voisins. En France, il y a certes un gouvernement mais il ne dispose pas de majorité et risque à tout moment d’être frappé par la censure. Aucune réforme ne passe, et le budget 2025 reste une inconnue. C’est à se demander qui, de la Belgique ou de la France, est finalement la plus à plaindre. En Allemagne, la situation politique n’est guère plus reluisante. L’éjection du FDP met le gouvernement en minorité. Il tente certes de passer quelques accords afin d’élaborer un budget, mais tous les regards sont déjà braqués sur 2025 qui sera sans doute marquée par de très probables élections en début d’année.
Bref, les deux plus grandes économies de la zone euro sont affectées par l’instabilité politique et l’absence de toute mesure ambitieuse de politique économique. Ce climat n’est pas du tout propice au redressement économique de la zone euro. Et accessoirement, cela ne met aucune pression sur les dirigeants belges pour qu’ils prennent le train des réformes ou de l’ambition en marche. Ce train reste à quai.
On pourrait espérer plus d’ambition au niveau européen. Il faut dire que le rapport Draghi, présenté en octobre, rassemble de manière clairvoyante les problèmes européens et les pistes de solution pour les résoudre, ou au moins les prendre à bras-le-corps. Ceci dit, n’est-il pas déjà rangé dans les belles étagères oubliées des institutions européennes, à côté de l’agenda de Lisbonne (décidé en 2000 et ayant pour ambition de faire de l’économie européenne “l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010” !) ou du plan Juncker ? En effet, les dirigeants européens n’ont pas montré beaucoup d’enthousiasme à l’égard de ce rapport et la reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne ne traduit pas vraiment une volonté de changement de cap. Tout cela donne malheureusement l’impression d’un avion sans pilote…
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