Paul Vacca
Wallifornia ou l’innovation musicale à impact positif
Parmi les secteurs culturels, l’industrie musicale est celui qui a toujours été le plus exposé aux mutations technologiques. En permanente ébullition, la musique est depuis toujours une plaque hypersensible à la nouveauté mais où l’innovation a sans cesse joué un rôle ambivalent : créateur de valeur mais aussi destructeur.
Côté création, la musique a accueilli très tôt des innovations sonores qui lui ont fait faire des bonds spectaculaires. Que l’on pense aux Beatles qui ont révolutionné durablement l’enregistrement musical en studio en quelques années seulement, puis à la déferlante des synthétiseurs, séquenceurs, boîtes à rythmes, logiciels de mixage ou d’effets sonores, compresseurs, samplers ou correcteurs de voix…
Côté destruction, l’industrie musicale a aussi été la première à affronter les assauts du numérique. Notamment à la fin des années 1990 avec le développement incontrôlé du piratage à domicile via le peer-to-peer. Tout le secteur pensa vivre ses dernières heures à bord du Titanic face à l’iceberg de la gratuité. Puis le streaming est arrivé in extremis pour détourner le paquebot de la banquise !
Aujourd’hui, l’innovation montre encore et toujours son double visage. Comme avec l’IA qui permet certes de décupler les capacités créatives des musiciens mais dans le même temps constitue une menace à leur existence, en pillant même leurs droits d’auteur. Ou bien avec les plateformes de streaming qui avantagent mécaniquement les talents les plus installés au détriment des nouveaux venus qui se voient noyés dans le tsunami des nouveautés. Ainsi, depuis avril, Spotify a cessé de verser des redevances sur ses titres qui ne dépassent pas les 1.000 écoutes par an. Ce sont donc 67% d’entre eux qui alimentent la cagnotte des autres 33% qui vendent le plus. Il faut donc cesser de voir l’innovation comme une valeur absolue : toutes ne sont pas porteuses de valeur ajoutée.
L’IA qui permet de décupler les capacités créatives des musiciens mais dans le même temps constitue une menace à leur existence, en pillant même leurs droits d’auteur.
C’est tout l’intérêt d’un événement comme Wallifornia Music+Tech qui s’est tenu pour sa neuvième année à la Grand Poste de Liège du 9 au 11 juillet. Organisé par le fonds d’investissement liégeois Leansquare, qui accompagne de multiples projets innovants dans le domaine des industries créatives et culturelles, Wallifornia a réuni durant ces trois jours les professionnels mondiaux de la musique et de la technologie autour de conférences et d’échanges. Coralie Doyen et Gérôme Vanherf avec toute leur équipe sont les têtes chercheuses et les animateurs de ce laboratoire ouvert sur l’innovation. L’enjeu de Wallifornia est que les musiciens, producteurs, distributeurs, entrepreneurs, programmateurs et investisseurs se rencontrent au même endroit pour un rendez-vous à la fois studieux et festif, le tout dans une dynamique constructive.
En résulte une alchimie de rencontres particulièrement vertueuse : pendant ce sommet, le “local”, à travers les acteurs wallons et belges, échange, avec le “global”, à travers des experts qui viennent du monde entier ; les “créatifs” se frottent aux réalités du “business” pour muscler leurs projets ; le “rêve” des jeunes start-up s’enracine dans la “réalité” du marché par l’échange avec des acteurs expérimentés du secteur.
Une alchimie qui permet non seulement de donner des ailes aux nouveaux projets mais aussi de les inscrire naturellement dans une logique collective d’écosystème. Car par cette approche collective à 360° dans la musique, Wallifornia génère un impact positif non seulement pour les jeunes start-up et scale-up, mais prépare aussi l’environnement culturel et la viabilité culturelle de demain. Il en va des projets culturels comme de l’énergie : il est temps de penser à leur empreinte durable.
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