Amid Faljaoui

Vous n’avez rien à cacher? Alors, vous n’avez plus rien à vous!

Nos politiques nous avaient promis la transparence pour les puissants, les multinationales, les fraudeurs professionnels. Mais aujourd’hui, ce sont nos comptes bancaires, nos assurances, nos locations Airbnb, nos cryptos, nos investissements… Bref, notre vie patrimoniale tout entière qui se retrouve sous microscope. Le fisc belge sait désormais presque tout de nous. Et ce n’est pas une formule en l’air : c’est un fait.

Comme le détaillent mes confrères du quotidien économique L’Echo, les fichiers mouchards s’empilent : cadastre, registres, échanges automatiques, PCC, directives DAC… Et demain, grâce à la directive DAC 8, même nos cryptomonnaies seront tracées, suivies, analysées. Nos comptes belges ? Centralisés. Nos comptes étrangers ? Déclarés. Nos dividendes ? Prélèvements directs. Nos locations immobilières ? Signalées par les plateformes elles-mêmes.

Vous pensiez qu’en tant que salarié vous étiez à l’abri ? Que seuls les dirigeants, les indépendants ou les petits margoulins avaient des choses à craindre ? C’est faux. Le piège se referme sur tout le monde. Parce qu’il ne s’agit plus de fraude. Il s’agit de surveillance.

Oui, lutter contre la fraude fiscale est juste. Personne ne le conteste. Mais la question que personne ne pose, c’est à quel prix collectif ? Si la liberté, c’est avoir encore des zones de silence, des marges de respiration, alors sommes-nous encore dans une société libre quand tout, absolument tout, est transparent ?

Simone Wapler, analyste financière que je cite souvent, alertait sur cette dérive depuis des années : la numérisation de notre société et son corollaire, la disparition programmée du cash n’est pas une simple modernisation. C’est une bascule. Car le cash, c’est la dernière forme de liberté anonyme. Quand il disparaît, et que nos transactions sont numériques, nos avoirs visibles, nos choix financiers scannés… alors il ne nous reste plus aucun refuge.

Imaginez un pouvoir politique autoritaire demain. Ce n’est pas une hypothèse farfelue. Ce que vous avez acheté, vendu, loué, cédé, transmis — tout est archivé. Pas de cash, pas d’oubli, pas d’échappatoire. La transparence fiscale devient alors une transparence politique. Et l’outil du contrôle absolu.

On pensait que le livre 1984 était une fiction. Mais ce Big Brother fiscal, bancaire, numérique est bien réel. Et la plupart d’entre nous, parce qu’ils n’ont “rien à cacher”, acceptent sans broncher.

Mais justement ce n’est pas parce qu’on n’a rien à cacher qu’on doit tout montrer. La vie privée n’est pas un aveu de culpabilité. C’est un droit.

Prenons un exemple: quand il y a une faillite bancaire, avant, il fallait faire la queue pour sortir son argent. Aujourd’hui, ce n’est plus nécessaire, il suffit de tapoter sur l’écran de son smartphone et l’argent est déplacé. Oui, sauf que demain, quand l’euro papier aura cédé sa place à l’euro numérique comme on veut nous l’imposer, cela voudra dire qu’en cas de ruée bancaire, le gouvernement pourrait y mettre un terme en gelant les transferts de l’euro numérique. Le gouvernement pourrait même récupérer l’argent de virements réalisés antérieurement.

Comme le gouvernement contrôlera la monnaie numérique, il pourra voir les bénéficiaires des retraits anticipés, remettre les fonds sur le compte de la banque en faillite et les débiter des comptes des bénéficiaires. Le gouvernement peut le faire en quelques clics, car il verra tout, comme l’explique très bien Jim Rickards, un analyste financier américain très connu.

Cela signifie qu’une fois que cette nouvelle monnaie numérique sera mise en place, nous serons prisonniers d’un système contrôlé par le gouvernement. Nous nous retrouverons dans une prison monétaire.

L’argent numérique, contrairement à ce que nous racontent les banquiers et les sociétés technologiques, sera l’une des nombreuses façons de conférer au gouvernement un contrôle total de notre argent et la capacité de surveiller nos moindres faits et gestes. Bien sûr, on nous dira qu’il y a des garde-fous, mais vous savez ce que valent les garde-fous étatiques. Rien.

Et donc, la vraie question n’est plus “Avez-vous quelque chose à cacher ?”

Mais bien : “Avez-vous encore un endroit où vous pouvez être libre ?”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content