Typhanie Afschrift
Les différences de rémunérations sont justifiées par le fait qu’une personne n’est pas égale à une autre
On a l’habitude d’entendre des contestations à propos des salaires et des bonus des patrons.
Jusqu’ici, toutefois, les discussions portaient le plus souvent sur les émoluments des dirigeants d’entreprises publiques ou semi-publiques comme Proximus ou bpost. On peut les comprendre dans ce cas parce que c’est de l’argent public qui sert à rémunérer ces personnes. Il reste néanmoins à apprécier si un excès dans les économies réalisées ne peut pas en réalité coûter très cher en se privant des meilleurs dirigeants, ceux qui rapportent beaucoup plus qu’ils ne coûtent.
Plus récemment, les contestations ont porté sur un bonus exceptionnel, d’un montant certes important, de 12 millions d’euros, payé par une entreprise strictement privée à sa patronne, Ilham Kadri. Ce n’est pas n’importe quelle entreprise mais Solvay, évidemment cotée en Bourse, et qui est une des très rares multinationales belges d’importance mondiale.
Il est dommage que l’on vienne sans cesse mélanger des notions aussi différentes : un prix résulte d’une convention, et non de l’équité.
Le bonus a été attribué à une personne dont les mérites ne sont pas contestables, qui est et restera un modèle pour beaucoup parce que c’est la première femme qui se hisse à ce niveau dans une telle entreprise et parce que le bonus rémunère une opération réussie. S’agissant d’une entreprise privée, il faudrait se rappeler que l’argent en cause est de l’argent privé, celui des actionnaires de la société qui, seuls, ont le droit de décider ou non de la légitimité de la rémunération et en l’occurrence du bonus.
Il est dès lors regrettable que des commentateurs et des syndicalistes se plaignent d’un bonus exceptionnel accordé à l’occasion de la réalisation d’une opération complexe mais jugée très bénéficiaire pour le groupe: la scission de Solvay. Si les actionnaires jugent que les réalisations de la CEO méritent 12 millions, c’est leur affaire et exclusivement la leur. Sans compter que l’Etat en prendra la part du lion sous forme de prélèvements obligatoires.
Reste l’argument que l’on veut présenter à tort comme d’ordre “éthique” : l’attribution de ce bonus permet de constater une différence énorme entre la rémunération de la CEO et celle des employés de base, même dans une société qui a la réputation de très bien payer son personnel. On répondra d’abord qu’à l’échelle internationale, la somme attribuée n’a rien d’exceptionnel. C’est deux fois moins que la rémunération annuelle de personnes comme David Salomon, patron de Goldman Sachs, ou de Douglas McMillon, patron de Walmart.
Et puis, il faut oser le dire : de telles différences de rémunérations sont justifiées par le fait qu’une personne n’est pas égale à une autre et que des personnes ayant des fonctions différentes peuvent légitimement percevoir des rémunérations différentes, même dans des proportions énormes. Les rémunérations, comme les prix de tous les produits et services, dépendent de la loi du marché, c’est-à-dire de la rareté relative des services prestés par chacun.
C’est pour cette raison que le bonus accordé à Ilham Kadri est encore modeste par rapport à la rémunération perçue par un joueur de football comme Cristiano Ronaldo dans un obscur club saoudien. La notoriété du footballeur est infiniment plus importante, en ce monde, que celle d’une patronne méritante.
Mais les transactions privées répondent exclusivement à ce critère parce qu’elles ont lieu sur un marché. Ce n’est pas une question d’éthique mais simplement une réalité: les actionnaires ont jugé qu’il fallait attribuer une rémunération exceptionnelle à la mesure des services rendus à leur dirigeante pour qu’elle n’aille pas ailleurs.
Il est dommage que l’on vienne sans cesse mélanger, souvent au nom de la jalousie, des notions aussi différentes : un prix résulte d’une convention, et non de l’équité.
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