Trump a-t-il manipulé les marchés financiers ?


Mercredi dernier, les marchés américains ont connu une secousse spectaculaire. À 15h37, alors que Wall Street chute, Donald Trump publie un message en lettres capitales sur son réseau Truth Social : “C’EST LE MOMENT D’ACHETER ! DJT”
Quelques heures plus tard, l’ancien président annonce une suspension surprise des surtaxes douanières. Résultat immédiat : le S&P 500 bondit de 9,5 %, le Nasdaq grimpe de plus de 12 % et le Dow Jones enregistre sa meilleure séance depuis 2008. Certains investisseurs, bien positionnés, auraient réalisé jusqu’à +2100 % de gain en une heure.
Une intervention qui suscite la controverse
L’opposition démocrate s’indigne. Des voix s’élèvent au Congrès pour dénoncer une possible manipulation de marché, voire un délit d’initié. Le message “DJT” cristallise les critiques : ce sont les initiales de Donald John Trump, mais aussi le ticker boursier de sa propre entreprise cotée, Trump Media. Et cette dernière a justement bondi de 21 % à la suite des événements.
Le sénateur Chris Murphy évoque une “énorme arnaque”. Adam Schiff appelle à une enquête. Alexandria Ocasio-Cortez réclame que tous les membres du Congrès publient la liste de leurs transactions boursières effectuées dans les 48 heures précédant les annonces.
Scandale ou improvisation ?
Face à cet emballement médiatique et politique, deux pistes d’analyse permettent de prendre du recul : le rasoir d’Ockham et la réflexion de l’historien Yuval Noah Harari.
D’abord, Ockham. Ce principe de logique médiévale recommande, face à plusieurs hypothèses, de choisir la plus simple. Autrement dit : faut-il imaginer un scénario complexe, où Trump orchestre un plan millimétré avec complices et signaux codés ? Ou plutôt une impulsion narcissique, fidèle à son style, au beau milieu d’une baisse des marchés ?
Ensuite, Harari. L’auteur de Sapiens rappelle que nous vivons dans des fictions partagées : l’argent, les entreprises, les États sont des constructions collectives. Accuser Trump d’une manipulation mondiale, c’est une fiction idéale : il y a un méchant, des milliards en jeu, du suspense — un récit parfait, qui coche toutes les cases de notre imaginaire.
Mais la réalité est moins spectaculaire. Trump est soumis à des obligations de transparence sur sa fortune. La SEC (l’autorité des marchés financiers aux États-Unis) a la capacité de remonter chaque transaction, de questionner les entourages, de repérer les volumes suspects — comme ceux observés juste avant l’annonce.
Et surtout : poster un message en pleine séance boursière est non seulement contraire aux usages, mais très imprudent si l’on cherche à dissimuler une manœuvre. L’ancien commissaire européen Thierry Breton l’a résumé ainsi :
“Pourquoi ne pas attendre la fermeture des marchés ?”
Une fiction qui rassure
Oui, une enquête sera probablement ouverte. Des proches ont peut-être profité de l’annonce. Mais Donald Trump, au cœur d’un délit d’initié à ciel ouvert, en plein jour, devant tout Wall Street ? C’est peu probable. Même pour lui, ce serait un pari risqué.
La vérité, c’est qu’on préfère souvent une fiction bien construite à une réalité désordonnée. Parce que le récit rassure. Il donne du sens à ce qui semble absurde. Comme l’écrivait Harari :
“Les gens préfèrent une histoire cohérente à une réalité confuse.”
Et comme le résumait, avec humour, le rasoir d’Ockham :
“Quand vous entendez un bruit étrange… commencez par vérifier si votre chat n’a pas renversé une boîte de thon.”
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