Eddy Caekelberghs

Mais qu’est venu faire JD Vance à Rome ?

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

C’est en prononçant ces mots “Toi aussi, mon fils ?” que César aurait interpelé Brutus – son fils adoptif – membre du complot qui l’assassinait en pleine Curie romaine. Et ces mêmes mots auraient pu être ceux du défunt pape François à l’égard du vice-président américain JD Vance, venu à Rome pour le week-end pascal et les fêtes jubilaires de l’année sainte.

Fidèle de fraîche date (il y a à peine plus de cinq ans), JD Vance a la foi des convertis. Les outrances aussi. Aucun vice-président américain n’a jusqu’ici occupé une telle tribune politique. Avec autant d’arrogance et d’assurance. Issu de la tendance méthodiste, Vance a d’abord été (de son propre aveu) peu pratiquant voire “indifférent” à la foi. Avant de découvrir, en même temps que son engagement politique républicain au sommet, la nécessité (spirituelle ET politique) de se convertir au catholicisme. Mais pas n’importe lequel, en fait. Il incarne le “catholicisme identitaire”. Voire “réactionnaire”, si ce n’était trop faible pour qualifier ce phénomène. Une pensée qui fait appel aux éléments racialistes les plus abjects, à la supposée “supériorité blanche”, à une théorie de la nécessaire victoire du fort sur le faible. De la mise en échec d’une culture dite “de l’assistanat”.

Un mouvement “catholique identitaire” qui rejoint à la fois l’alt-right (la droite la plus extrême aux États-Unis et chez nous), les “blocs identitaires” (aux USA et chez nous), mais est aussi l’émergence politique des anti-Lumières, théorisées par Curtis Yarvin, Nick Land et Peter Thiel (magnat de la tech) sous le nom de Dark Enlightment, les Lumières Obscures. Un programme politique farouchement dénonciateur du concept de démocratie – réputé failli et impuissant – adepte de l’autocratie des puissants géants de la tech devenus “actionnaires d’un État-entreprise”, abolissant la notion de “citoyen” pour celle de “client”, etc.

Dès février dernier, le pape François – fidèle à sa ligne de conduite – avait dénoncé cette politique, et notamment l’éloignement forcé voire l’expulsion programmée par Donald Trump et JD Vance de centaines de milliers de migrants du sol américain. C’était dans une lettre pastorale ouverte aux évêques américains que François avait dénoncé ce refus de la main tendue aux populations migrantes en danger. Les mots étaient durs, cash, sans concession. À la François, en somme. Qui s’était attiré les propos acerbes de JD Vance s’en prenant au pape jusqu’à frôler les concepts de schisme ou d’hérésie pour parler de la parole papale.

Les choses ne s’étaient pas améliorées depuis lors entre les deux rives, pas plus qu’entre les deux hommes. Mais le poids financier des États-Unis dans les finances vaticanes est une réalité. En 2018, le groupe Legatus, qui regroupe plus de 5.000 patrons catholiques d’entreprises américaines, représentant des centaines de milliers de dollars de dons annuels, avait suspendu ses transferts monétaires. Des réseaux qui, depuis plusieurs mois, exprimaient leur mauvaise humeur face aux positions du pape en matière économique, sur l’écologie ou encore contre la peine de mort, autant de sujets clivants pour les catholiques américains.

Alors, qu’est venu faire JD Vance à Rome ? Sans doute saluer Giorgia Meloni, fidèle alliée. Mais aussi, en moderne Brutus, faire savoir au pape et au monde, urbi et orbi, qu’il faudra compter avec ce lobby conservateur puissant pour envisager le successeur. A-t-il ressenti ce coup de poignard politique de son jeune “fils” converti à sa foi ? François est parti comme César. En jetant un “Toi aussi, mon fils ?” dont Vance n’a cure.

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