Amid Faljaoui
Taxer les riches ? Mais c’est déjà fait !
Si la Belgique est l’un des pays les plus taxés de la zone euro, nous sommes aussi l’un des pays les plus dépensiers.
Après un an et demi de palabres, notre gouvernement fédéral a pu enfin trouver un accord sur le nucléaire avec Engie. Galvanisé par cette réussite au forceps, Alexandre De Croo tente, vaille que vaille, de trouver également un accord sur la grande réforme fiscale, un dossier qui empoisonne la majorité depuis plus d’un an maintenant. L’objectif est de trouver un compromis d’ici le 21 juillet. Compromis est d’ailleurs le bon terme, car si la réforme fiscale devait être d’envergure et visait à baisser de 6 milliards d’euros les charges sur le travail, cette vision ambitieuse s’est heurtée à la réalité des négociations. Cette réduction de 6 milliards de charges sur le travail doit être compensée par des hausses d’impôts ailleurs.
C’est d’ailleurs, tout le problème de cette réforme fiscale, c’est qu’elle doit être neutre budgétairement. Ce qui veut dire qu’il faudra déshabiller Paul pour habiller Pierre. Ce qui veut dire aussi que tous ceux qui auront quelque chose à perdre seront mécontents, et à un an des élections fédérales, chaque parti veille à ce que son électorat ne soit pas déçu. Et comme chaque parti défend son pré carré, rien n’avance pour le moment, et des 6 milliards d’euros de baisse de charge évoqués en début de législateur, on ne parle plus aujourd’hui que de 2 milliards d’euros à compenser. Cette grande réforme fiscale risque donc d’être un pétard mouillé.
Pour éviter cette fin peu glorieuse, le PTB, mais aussi le PS préconisent de taxer les « riches ». Sur les ondes de la RTBF, Paul Magnette, le président du PS, s’est dit en faveur d’un impôt européen sur la fortune sur les personnes qui détiennent au moins un million d’euros sur leur compte en banque sous forme de titres, d’action ou autre. Le souci de cette proposition, c’est qu’elle semble accréditer la thèse qu’il n’y a pas d’impôt sur le capital en Belgique. C’est faux. Au-delà des impôts sur les successions, qui sont aussi des impôts sur le capital, ce capital lorsqu’il vous verse un dividende est déjà ponctionné à hauteur de 30% sous forme de précompte mobilier. Et il y a la taxe sur les comptes titres qui elle aussi vient ponctionner les revenus des personnes qui ont un million ou plus sur leur compte bancaire sous forme d’actions et d’obligations. Et puis, cela revient aussi à accréditer la thèse que les personnes les plus aisées en Belgique se défilent à l’égard de l’impôt alors que les statistiques officielles montrent que 10% de la population belge paie plus de 60% des impôts récoltés en Belgique. Il y a donc bien une contribution plus que proportionnelle des personnes les plus aisées à l’impôt. J’en parlais hier avec un ami homme d’affaires, et cet ancien tycoon de l’immobilier bruxellois m’a fait une rapide démonstration chiffrée sur le coin d’une table d’un restaurant : sur un million d’euros qui seraient investis aujourd’hui à 40% en obligations et à 60% sous forme d’actions (ce qui est souvent la répartition que préconisent les banquiers privés), même en tenant compte d’un rendement moyen de 2% pour les obligations et de 5% pour les actions, au final, une fois que vous avez défalqué la taxe sur les comptes-titres et l’inflation, il ne reste plus que 2500 euros de bénéfices pour un capital d’un million d’euros. Et encore, dans ce calcul, cet ami homme d’affaires m’explique qu’il n’a pas tenu compte de la taxe sur les opérations en Bourse, ni des frais de gestion que prennent les banquiers pour gérer plus ou moins glorieusement vos avoirs.
La réalité, c’est qu’il ne reste plus rien en termes de rendement sauf que la personne en question n’aura pas vu son risque être rémunéré, car ne l’oublions pas, il a accepté de placer 60% de ses avoirs sous forme d’actions qui, par définition, peuvent boire la tasse comme on l’a vu en 2022. Un tableau réalisé par mes confrères du quotidien L’Echo montre qu’en matière de taxation du capital, la Belgique est numéro deux en Europe, avec une taxation de 10.6% en pourcentage de notre PIB, contre une moyenne européenne de 8.5%. En réalité, la vraie question à se poser avant de vouloir refiler la patate fiscale au voisin, c’est que la Belgique n’a pas un problème de moyens. Pour la simple raison que nous sommes l’un des pays les plus taxés de la zone euro, nous sommes aussi l’un des pays les plus dépensiers, mais aussi l’un des pays où tous les services publics s’effondrent les uns après les autres: hôpital, école, administrations, transports publics, etc.
Pour ne pas devoir justifier cette déroute, on la planque, on la masque pour ne pas devoir expliquer aux citoyens belges que leur argent est très mal géré. Au rythme actuel, on finira par taxer la niche pour le chien, mais sans résoudre les vrais problèmes.
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