On voulait faire un geste de justice fiscale. On risque de déclencher une fuite des capitaux. Voilà, en résumé, le paradoxe belge de cette saga sur la taxe sur les plus-values qui va donc voir le jour le 1er janvier 2026.
Depuis un an, le pays s’est passionné pour la taxation des plus-values. Et comme souvent en Belgique, on a préféré l’interminable débat à la décision claire. Résultat : la mesure est devenue un feuilleton politique, un objet idéologique, un symbole de posture plutôt qu’un vrai levier économique. Autrement dit, en Belgique, on ne taxe pas seulement les profits. On taxe aussi la confiance.
Le problème, ce n’est pas seulement la taxe comme me le démontrait un homme d’affaires patriote et avisé. Le danger, c’est le climat qu’on a installé autour de cette taxe. L’incertitude fiscale, répétée pendant des mois, a fait plus de mal que la mesure elle-même. Les investisseurs, belges comme étrangers, n’ont pas attendu le texte de loi pour tirer leurs conclusions : en Belgique, les règles changent au gré des rapports de force. Et toujours dans un sens : plus de complexité, plus de prélèvement.
Certains applaudissent : “Enfin, les riches vont contribuer !” Très bien. Mais rappelons une chose simple : la Belgique est déjà championne du monde en matière de taxation. Sur le travail, sur l’épargne, sur la consommation. Ce qui restait – l’absence de taxe sur les plus-values – n’était pas un privilège aristocratique, mais un fragile argument de compétitivité. On vient de l’effacer, comme s’il n’avait jamais existé. Et on l’a fait bruyamment, à grand renfort de déclarations partisanes. Un cas d’école de communication… contre-productive.
Prenons un exemple concret, pas pour pleurnicher, mais pour comprendre. Un investisseur place 5 millions d’euros : 60 % en actions, 40 % en obligations. Rendement espéré : 5 %, soit 250 000 euros bruts. L’inflation à 3 % ? Elle grignote déjà 150 000 euros. Il lui reste 100 000 euros de rendement réel. Mais une fois qu’on soustrait les frais de gestion appliqués par les banques, le précompte mobilier de 30%, la taxe sur les comptes-titres, la TOB, et maintenant la taxe sur les plus-values de 10%, on arrive dans certains cas à un rendement… négatif. Oui, négatif. Une perte nette annuelle d’environ 30 000 euros et ça n’a rien de fictif, c’est juste un calcul de coin de table.
On ne parle pas ici de pleurer sur le sort de ceux qui ont du capital. On parle d’un choix de société. Parce que ce capital, quand il reste dans le pays, finance des entreprises, achète des biens, consomme des services, crée de l’activité. Mais quand il part, il emporte tout cela avec lui.
Et ce capital, il part déjà. Vers des pays comme l’Italie, le Portugal ou l’Espagne qui, eux, ont compris que la stabilité fiscale est un atout. Ici, on multiplie les signaux contraires. On annonce déjà qu’en cas de recettes budgétaires insuffisantes, la taxe passera à 20 %, voire 30 %. Qui investirait dans un pays où la fiscalité est à ce point conditionnelle et mouvante ?
On nous promet 500 millions de recettes. Très bien. Mais si cette taxe entraîne la fuite de 5 ou 10 milliards de capital investi, ce n’est pas un gain. C’est une saignée. Encore une fois, le problème n’est pas l’impôt. C’est la manière de l’appliquer, le moment choisi, et l’incapacité chronique à voir plus loin que le slogan.
La Belgique est en train de se tirer une balle dans le portefeuille. On pense corriger une injustice. On crée une hémorragie. On a voulu faire payer ceux qui ont réussi. Ils nous remercieront… depuis l’étranger.