Bruno Colmant
Sommes-nous prêts à une présidence Trump – Vance?
L’élection probable de Donald Trump, désormais flanqué de James Vance, va susciter des questions majeures pour les dirigeants européens.
Bien sûr, il ne faut pas insulter l’avenir, car Bernard-Henri Lévy écrivait que « la plus grande ruse de l’Histoire était de jouer la comédie de son propre épuisement » tandis que Karl Marx rappelait que « l’Histoire a plus d’imagination que les hommes ».
Je cite néanmoins quelques questions, en vrac, tout en gardant à l’esprit que si le choix des Américains s’oriente vers Donald Trump, c’est une expression démocratique qui reflète un choix de société qui leur est propre, et que notre jugement par rapport à cette réalité est secondaire.
La guerre en Ukraine sera probablement délaissée par les États-Unis. Or, nos dirigeants européens se sont engagés à défendre ce pays jusqu’à la victoire finale. Qu’allons-nous faire ? Se battre seuls avec les Ukrainiens, se plier à Canossa ou signer Munich ? Il faut aussi se préparer à ce que les États-Unis se distancient de l’OTAN, qui vient de fêter ses 75 ans. Ce serait un changement de polarité militaire incommensurable. Quel est le plan européen ?
La politique américaine sera ultra-protectionniste, avec des droits d’entrée sur les importations américaines et un dollar affaibli. Comment le secteur d’exportation européen va-t-il surmonter cette épreuve majeure alors que les importations chinoises augmentent et que, même si le pétrole est libellé en dollars affaiblis, notre énergie est 50 % plus chère qu’aux États-Unis et en Chine ? Déjà aujourd’hui, l’activité industrielle européenne est faible dans un contexte de désindustrialisation. Quel est le plan de la Commission européenne, à part d’affirmer sempiternellement, et sans cohérence suffisante que l’Europe s’engage, à raison, dans une réindustrialisation durable et confirme un pacte vert, soutenu par des principes de pragmatisme et de neutralité technologique.
Comment allons-nous gérer les conséquences d’une probable guerre des monnaies qui sera sans doute déclenchée par les États-Unis, qui vont militariser le dollar à la baisse, voire envisager un jour une fragilité sur leur dette publique qui est, je le crains, hors de contrôle et n’est autorisée que parce que le dollar est la devise de réserve du monde ? Il faudra que la BCE s’engage à affaiblir l’euro par une politique monétaire non conventionnelle, comme elle le fit après la crise de 2008, mais l’Allemagne s’y opposera. Dépassant une exigence de neutralité politique, la Présidente de la BCE avait dit, en janvier de cette année, qu’une nouvelle présidence de Donald Trump serait une menace pour l’Europe. Mais alors, quelle est la réponse monétaire ?
Comment allons-nous assurer la cohésion européenne, et surtout le couple franco-allemand, alors que des pays sur son flanc est sont d’une inclinaison plus centrifuge que centripète ? Et, de manière incidente, comment allons-nous combiner des régimes politiques dont certains s’éloignent du modèle rhénan et social-démocrate d’antan ?
Et puis, comment gérer une politique énergétique qui soit respectueuse de l’environnement dans un contexte où les États-Unis vont se délier de toute contrainte qui s’oppose à l’expansion capitaliste ?
Et enfin, comment allons-nous garder la force des valeurs humanistes qui ont bâti l’Europe, dans la protection des femmes et des minorités, alors que ces droits se rétrécissent aux États-Unis ?
En fait, nous n’avons aucune idée de rien. Et pourtant tout cela, c’est pour les prochains trimestres. Et il faut se rappeler la mémorable sentence de Charles de Gaulle (1890-1970) : « Les pays n’ont pas d’amis, mais des intérêts », tout en se rappelant cette phrase de Nietzsche : « L’État est le plus froid des monstres froids. Il est froid, même quand il ment. »
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