Eddy Caekelberghs
Si vis pacem …
“Ce n’est pas le moment d’avoir des conversations diplomatiques sur la paix. C’est le moment de soutenir militairement la guerre”, déclarait Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Etonnante formule pour une diplomatie européenne… Et de préciser à la chaîne Euronews: “Je me sens diplomate mais aussi ministre de la Défense de l’Union européenne car je passe une grande partie de mon temps à parler d’armes”.
Nous assumons ici la confusion des genres. Ou plutôt, nous subissons de plein fouet l’absence de réelle intégration européenne en termes de défense commune. Depuis les années 1950 et l’échec de la Communauté européenne de défense, l’Europe est vassalisée. L’Oncle Sam est aux commandes de l’Otan, avec ses nombreuses bases militaires disséminées sur le territoire des pays signataires et leurs alliés. L’Europe n’est que le supplétif accueillant, comme la Belgique pour le Shape à Casteau. Nos armements sophistiqués sont achetés aux Etats-Unis, sous prétexte d’avancées technologiques (réelles) ou d’uniformisation de nos chaînes opérationnelles.
Nous devons sortir de la tutelle américaine pour devenir des alliés réels et responsables. Et cela suppose un supplément d’intégration politique de l’Union.
Mais qu’est-ce qui nous a forcé – sinon notre absence de volonté – à diaboliser autant la recherche et le développement dans l’industrie de la défense? Notre culpabilité (fondée!) après les deux grandes boucheries mondiales? Nos cécités coupables vis-à-vis des fascismes (Espagne 1936, Italie et Allemagne des années 1920-1930)? Notre méfiance mutuelle entre futurs membres de l’Union européenne? Oui, l’Europe a préféré subir et déléguer plutôt que d’agir elle-même. Ce fut encore le cas en ex-Yougoslavie avec les accords de Dayton, puis au Kosovo: c’est à Washington que tout cela s’est décidé.
Les présidents américains (de Barack Obama à Joe Biden en passant par l’extravagance de Donald Trump) nous l’ont pourtant déjà répété: l’Europe doit devenir adulte et s’assumer. Nous devons sortir de la tutelle pour devenir des alliés réels et responsables. Et cela suppose un supplément d’intégration politique de l’Union, y compris en termes de défense commune!
Il nous faudra une nouvelle Constituante, défendue chez nous par l’ancien patron de l’Ecole royale militaire, le colonel Jean Marsia, président de la Société européenne de défense: “J’ai acquis la conviction que les tentatives de construire l’Europe de la défense par des coopérations interarmées ou interétatiques ne sont pas pérennes parce que la convergence des volontés qui les ont mises en place ne durent pas. La construction d’une Europe fédérale est la seule solution permettant de réaliser une unité de commandement politico- militaire européenne”.
“Je préférerais dépenser cet argent pour améliorer le bien-être de la population […] Mais nous n’avons pas le choix”, déclare Josep Borrell. Certes. Mais on ne peut à la fois être ministre de la Guerre et ambassadeur de la Paix. Les deux fonctions doivent s’incarner séparément pour aboutir.
Comme le conclut Jean Marsia: “Nous devons disposer d’une défense européenne crédible et respectée pour, notamment, contrôler les frontières européennes, ce qui suppose une autorité politique fédérale avec à sa tête un président des Etats-Unis d’Europe élu directement par le peuple, qui incarnerait l’unité de commandement politico-militaire de manière légitime”.
“Ordo ab chao!”, du chaos vers l’ordre… Après tout ceci, à la faveur de la paix, “une assemblée constituante, reflet de l’opinion populaire, rédigerait et adopterait le texte fondamental répondant aux attentes des citoyens européens: la constitution des Etats-Unis d’Europe”, conclut Jean Marsia. Osons! Vite!
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