Eddy Caekelberghs
Si tu vas à Rio… ou plutôt à Ilheus, royaume du cacao
Ou plutôt si vous allez à Ilheus, au Brésil, vous me comprendrez. Je vous écris du pays du cacao. Le vrai pays de naissance, de culture et de croissance de cet or noir qui a fait les riches heures des plantations locales. Mais c’était avant la maladie des “balais de sorcières” qui s’est attaquée aux tiges et qui, comme le mildiou pour la vigne, a instantanément brisé l’élan de ce produit convoité. Laissant alors la place à certains concurrents africains tels que le Cameroun ou la Côte d’Ivoire, par exemple.
Pourtant, pour le climat amazonien brésilien, colombien ou vénézuélien, le cacao fut et est encore une plante de qualité supérieure. En visitant les domaines, on y découvre la préservation de la nature. Une première victoire d’importance. La forêt y est choyée parce que les fèves des cacaoyers poussent mieux – on le sait à présent – sous le couvert, par exemple, des arbres à caoutchouc. Deux richesses en une (et Michelin ne s’y trompe pas, lui qui est présent près d’Ilheus !). Une forêt souhaitée et choyée dans un pays-continent qui a tant vu – et voit hélas encore – son luxuriant environnement dévasté par les intérêts financiers et fonciers.
C’est notre poumon vert, cet immense puits de carbone, notre protecteur planétaire qui est pris en charge positivement par ceux qui alimentent nos chocolatiers. On ne s’en doute jamais en croquant certaines marques de chocolat fin… Pourtant, nos enjeux climatiques sont corollaires aussi de ces productions qui nécessitent la frondaison protectrice des grandes forêts équatoriales.
Après l’effondrement dû à la maladie des plants et le retour progressif du cacao à Ilheus, les cours se sont aujourd’hui envolés. La spéculation aussi, hélas. Et les retombées leur échappent. Comme pour tant d’autres produits nutritionnels, sur des marchés et des Bourses que nous, pauvres mortels, consultons peu mais qui affament les uns pour enrichir les autres.
Avec le retour progressif du cacao à Ilheus, les cours se sont envolés. La spéculation aussi, hélas. Et les retombées leur échappent.
Aujourd’hui le Brésil, à Ilheus, sait comment détecter la maladie potentielle de ses cacaoyers. On ne la guérit pas mais on peut la prévenir ou l’éradiquer à temps. Mais ce dont on ne guérit pas, c’est de perdre sa position de leader dans un secteur de production. Ici, c’est toute une région qui s’en ressent. Au regard de la conjoncture actuelle, il ne serait pas surprenant de constater aussi, dans les prochains jours ou mois, la hausse des prix du café dans les rayons alimentaires.
Se pose-t-on, dès lors, la question de savoir pourquoi de tels pays-continents pauvres comme le Brésil de Lula s’agitent tant pour contrer les prédateurs mondiaux comme les Etats-Unis de Biden ou Trump et créer, voire animer les BRICS, aux cotés de la Russie, de la Chine, de l’Inde et tant de pays adhérents ?
Au Brésil, au-delà des clichés, du climat, de la danse et de la cachaça, vous êtes au cœur endémique de la pauvreté. Ici, les travailleuses et les travailleurs essaient de survivre. Le SMIC est à moins de 300 euros par mois (soit 1.400 réaux en monnaie locale) et les retraités sont au Smic. Pour l’électricité et l’eau (et le sacro-saint internet), on y paye 25 euros par mois. Mais les loyers et l’alimentation dévastent le pécule du smicard qui vit donc de petits boulots malgré les maladies et l’âge. Malgré le souvenir de temps plus solidaires…
Alors, dans un tel pays-continent, lorsque vous touchez à cette vie-là mais aussi à la voracité des gros acteurs du marché, la révolte qui gronde ne vous est pas étrangère. Un autre ordre mondial doit voir le jour. Aucune chance que je vous en convainque ici. Et pourtant …
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