Amid Faljaoui

Séisme à Marrakech et les promesses de l’IA

Le dramatique séisme, qui a eu lieu au Maroc, nous rappelle que la Nature n’est pas aussi bonne que certains veulent nous le répéter. C’est une évidence, vous me direz.

Non, car certains Écolos radicaux nous serinent à longueur de journée que la Nature est bienveillante par définition. Dire le contraire s’apparente souvent à un blasphème. En lisant le livre du docteur Laurent Alexandre consacré à la « guerre des intelligences au temps de ChatGPT », il y a sans doute un lien à établir entre le drame horrible que vivent les Marocains en ce moment et l’essor de l’intelligence artificielle. En effet, le sismologue Quentin Bletery a annoncé à mes confrères de l’Express qu’il travaillait avec ses équipes sur de nouveaux outils qui utilisent l’intelligence artificielle pour tenter de prédire le plus tôt possible ce genre de tremblement de terre.

Mais aujourd’hui il avoue son impuissance : « rien de spécial n’est hélas enregistré avant que ces séismes ne se produisent ». Et la question judicieuse qu’il pose est la suivante :  « ne voit-on rien parce qu’il n’y a rien à voir ou parce que nous n’avons pas de capteurs assez précis pour détecter ces ondes sismiques ?  La question reste visiblement ouverte au sein de la communauté scientifique ».

Le sismologue Quentin Bletery ne se laisse pas décourager et continue sa recherche avec l’aide de l’intelligence artificielle. Pour l’heure, il estime que les outils qu’il est en train de mettre en place sont assez efficaces pour des grandes villes, situées loin de l’épicentre. Dans le cas de Marrakech, l’épicentre est situé à seulement 77 kilomètres, ce qui est trop proche, selon lui, pour qu’un système d’alerte des populations puisse fonctionner.

Mais, et c’est là où j’en viens à la thèse du docteur Laurent Alexandre, et qui va à l’encontre de l’opinion d’une partie de la population. Quel est son credo ? Que l’existence n’a jamais été aussi douce que depuis que nous combattons la nature : « les lunettes, le savon, le chauffage, les vaccins, les médicaments et les toilettes pour ne citer que d’infimes exemples ne sont pas naturels (…). Les maladies, elles sont naturelles : le cancer, la tuberculose, le sida, l’hépatite, le tétanos sont parfaitement naturels ». Et bien entendu avec cet horrible drame de Marrakech, vous pouvez ajouter aussi les tremblements  de terre et autre tsunami. Grâce aux progrès de la médecine, un enfant, né aujourd’hui, a plus de chance d’atteindre l’âge de la retraite que ses ancêtres n’en avaient de vivre jusqu’à 5 ans, précise encore Laurent Alexandre.

En vérité, oui, l’intelligence artificielle, autrement dit, le génie humain pourra peut-être demain nous aider à prévenir à temps les populations en danger d’un tremblement de terre. On y est pas encore, mais l’intelligence forte pourra sans doute le faire comme elle pourra le faire pour nous aider à éliminer le cancer, ou à lutter contre le réchauffement climatique ou régler des tas de problèmes insolubles pour l’instant pour l’esprit humain. Bien entendu, le danger, c’est de s’assurer de pouvoir contrôler cette IA forte pour qu’elle ne tombe pas dans des mains maléfiques.

Pourtant, malgré ces dangers potentiels, elle verra le jour, pour une simple raison : les patrons de Google et bien d’autres milliardaires de la Silicon Valley ne veulent pas brider cette intelligence artificielle forte, car – elle seule – leur permettra de vivre 100 ou 200 ans de plus. Tous ces milliardaires de la Silicon Valley ne s’en cachent pas d’ailleurs : leur rêve est d’être en quelque sorte immortels.

Pour le reste, vous le voyez en ce moment par écran interposé : mère Nature n’est pas sympa et la science, de son côté, n’est pas dénuée de défauts. C’est vrai que le progrès scientifique, qu’on dénigre beaucoup aujourd’hui, nous a par exemple permis de guérir les enfants leucémiques alors qu’en 1950, ils mouraient en quelques semaines. « Sans oublier qu’avant l’invention de l’appendicectomie par Charles Krafft en 1888, 99% des appendicites aiguës entraînaient la mort (…) de même 100% des diabétiques insulinodépendantes mourraient après une effroyable agonie jusqu’à la synthèse de l’insuline en 1922 », écrit encore Laurent Alexandre.

Vous l’avez compris la Nature n’est pas toujours bonne par définition. Il suffit de penser à Marrakech.  Quant au progrès scientifique, on le dénigre, car nous avons une mémoire de poisson rouge. Pour autant, ce progrès, surtout s’il s’agit de l’intelligence artificielle forte, devra être encadré pour éviter d’éventuelles dérives.

En fait, comme toujours, il y a ceux qui vous peignent la vie en noir ou blanc. Et ce sont eux qui ont du succès sur les réseaux sociaux. Et puis, il y a la réalité, qui est plutôt grise et en pointillé, mais cette réalité ne capte pas l’attention. Motif ? Elle est trop froide et ne provoque pas assez d’émotions extrêmes, la matière dont se nourrissent les réseaux asociaux. C’est bien là le drame de cette nouvelle économie de l’attention.

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