Se pincer le nez pour financer l’Ukraine ?
Je répète souvent: l’Europe progresse mais toujours sous pression et souvent à cause ou grâce à un ennemi extérieur.
Au commencement de la construction européenne, c’était Staline et la menace communiste qui ont forgé l’unité des Européens. Aujourd’hui, c’est face à Vladimir Poutine et son conflit en Ukraine que nous resserrons nos liens.
Ce jeudi soir, les 27 pays de l’Union européenne ont convenu, ici à Bruxelles, d’utiliser les bénéfices issus des avoirs russes gelés en Europe, notamment ceux détenus par la société Euroclear à Bruxelles. Il est question de 200 milliards d’euros d’avoirs russes gelés produisant annuellement 3 milliards de revenus, qui seront désormais saisis pour soutenir militairement l’Ukraine. Moscou a déjà réagi à cette décision en la qualifiant de “grand banditisme” et en menaçant de longs procès devant les cours de justice internationales.
Fondamentalement, cette saisie et l’utilisation des avoirs russes soulignent que l’Europe a pris la décision d’aider l’Ukraine, mais qu’elle n’a pas les moyens suffisants pour le faire. Comme l’a malheureusement souligné Donald Trump, les finances publiques des États européens ont été sévèrement affectées par la crise du COVID-19, et l’endettement public est déjà à des niveaux alarmants. De plus, l’aide accordée à l’Ukraine au cours des deux dernières années n’a pas suffi à améliorer la situation.
Un autre problème, peu abordé par les médias, est celui du financement des entreprises en général. Les banques, soumises à la pression des ONG et du grand public, tentent d’adopter des pratiques plus éthiques en respectant les normes ESG, notamment en évitant de financer des entreprises polluantes ou l’industrie de l’armement. Cependant, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie de l’armement est devenue privée.
D’une part, nos responsables politiques nous exhortent à soutenir nos amis ukrainiens en augmentant notre pouvoir d’achat. D’autre part, étant donné que la plupart des pays européens ne parviennent pas à investir 2% de leur PIB dans la défense, il revient aux banques de financer cet effort de guerre. Mais ces mêmes banques sont contraintes par une réglementation ESG qui les dissuade de le faire.
Comment donc défendre l’Ukraine et, par extension, notre propre liberté, si nous rechignons tous à financer l’industrie de l’armement ? Soit nous refusons de le faire, mais alors qui équipera les soldats ukrainiens ? Soit nous le faisons, en considérant que sauver la démocratie et garantir la liberté est aussi une manière de respecter les normes ESG.
Soyons donc cohérents avec nos valeurs : laissons les banques financer notre industrie de l’armement, sinon ce seront d’autres pays non européens qui le feront à notre place.
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