Amid Faljaoui

Réforme fiscale : quand l’immobilisme n’empêche pas de faire de faux pas

La grande réforme fiscale ne verra pas le jour. Et vous savez quoi ? Tant mieux ! Elle n’avait de grand que le mot dans son intitulé.

L’échec de la réforme fiscale montre qu’on a payé un ministre des Finances pour rien pendant toute cette législature. A part faire fuir quelques licornes du pays avec sa seule « réforme », celle des droits d’auteurs, ce ministre des Finances était inspiré par un cabinet composé de fonctionnaires de l’ISI (inspection spéciale des impôts). Morale de l’histoire : l’immobilisme n’empêche pas de faire de faux pas.

Il n’y avait rien de bon à attendre de cette réforme pour les entrepreneurs. Comme la réforme fiscale se devait d’être neutre, elle consistait en réalité à déshabiller Paul pour habiller Pierre. Sauf que Paul, c’est le lecteur de cet éditorial. Et les Paul sont déjà saignés à blanc. Les statistiques le montrent : 10 % des Belges les plus aisés paient déjà plus de 60% du montant total des impôts. Non seulement, les Paul contribuent déjà plus que proportionnellement au financement de notre modèle social, mais en plus, des pans entiers des avantages de cet Etat social lui sont refusé, car… Paul est au-dessus des barèmes. Double peine.

Bien entendu, la gauche radicale est triste. Elle attendait cette réforme avec beaucoup d’allégresse. Sous prétexte de diminuer la pression sur les travailleurs, elle estimait qu’elle avait un permis pour fiscaliser davantage les entrepreneurs et autres professions libérales qui n’ont d’autre handicap que de ne pas se vautrer dans la complainte permanente, signe distinctif de notre époque. A la question légitime de savoir s’il ne faut pas regarder la colonne des dépenses sociales avant de fiscaliser les plus dynamiques, la gauche radicale – dédaigneuse et sûr de son magistère moral – nous sert la même rengaine : « vous trouvez qu’il y a trop de professeurs, trop d’infirmières, trop de policiers ? ». Manière polie de dire que le gigot est à l’os et que c’est sur la colonne des recettes qu’il faut se pencher.

Hélas, bien souvent, la droite se laisse embobiner par ce raisonnement tronqué, pour ne pas dire vicié. Bien entendu qu’il n’y a pas assez d’infirmières, des professeurs et de policiers. Mais ce n’est pas par manque de moyens. Que du contraire. Nous sommes champions du monde de la pression fiscale et des dépenses sociales, et donc, la vraie question : c’est où va notre argent ? Et surtout que fait le syndicat des citoyens face à cette gabegie du produit de notre labeur collectif. La réponse est simple : la Belgique est un village Potemkine. Un leurre, quoi. Derrière la devanture, tout se déglingue. L’école est mal placée dans le classement Pisa, les hôpitaux marchent surtout à la caféine et la bonne volonté de nos blouses blanches, et la justice est débordée faute d’informatisation et par manque de cadres.

D’où à nouveau, ma question (inspirée de la parabole des talents cher à la Bible) : chers politiques, que faites-vous de notre argent ? Est-il utilisé de manière efficiente ? Allez-vous enfin reconnaitre qu’il y a des gaspillages et des fuites à tous les étages ? La vraie réforme, elle n’est pas fiscale, elle consiste à avoir enfin le droit de poser des questions sur l’utilisation de l’argent du contribuable. La gauche radicale, celle qui canalise les colères et les mécontentements sur de mauvaises cibles est dans l’erreur. Pour paraphraser le philosophe André Comte-Sponville (homme de gauche, mais éclairé) :  La colère, même légitime, ne fait pas une politique. Ni l’addition de mécontentements, un projet pour la Belgique.

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