Amid Faljaoui
Réchauffement climatique : la métaphore de la grenouille à la COP 28
La 28e conférence sur le réchauffement climatique a démarré ce jeudi à Dubaï, ce qui en soi est déjà un magnifique paradoxe. Elle ne fera que confirmer que toute cette histoire de réchauffement climatique pourrait se réduire hélas à cette histoire de grenouille que connaissent bien les coachs en management.
Si vous plongez d’un seul coup une grenouille dans une casserole avec de l’eau bouillante, le choc thermique sera tellement grand qu’elle sautera d’un bond pour sortir de la casserole. En revanche, si vous la mettez doucement dans la casserole avec de l’eau tiède, elle ne bougera pas. Puis, vous augmentez la température tout doucement jusqu’à ce qu’elle entre en léthargie et meure de sa belle mort. C’est exactement ce qui se passe avec notre humanité et le climat, sauf que la grenouille – nous autres donc – nous n’avons pas d’autre planète où sauter, comme le font remarquer mes confrères des Echos.
Mais la question ne se pose pas encore, car visiblement, vu les faibles progrès réalisés au cours de ces 10 dernières années, la température de l’eau de la casserole semble encore supportable. Dommage. Les médias nous inondent avec le fait qu’il y aura 140 chefs d’État à Dubaï, que 70.000 personnes seront présentes, qu’il s’agisse de chefs d’entreprises, d’ONG, de journalistes ou de lobbyistes. Tout cela est vrai, mais comme disent les Britanniques, les faits sont plus têtus qu’un Lord Maire. Et les faits, c’est que si la majorité des pays affirment atteindre la neutralité carbone pour 2050, la réalité est que l’appétit pour les énergies fossiles n’a pas baissé et va même augmenter au cours des prochaines années.
Quant aux entreprises pétrolières, elles ont changé de discours. Pendant tout un temps, le discours était au verdissement et au retrait des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables. Mais depuis 4 ans maintenant, le discours a été modifié. Du retrait des énergies fossiles, on est passé au maintien des investissements dans le pétrole et le gaz. Il faut dire que la demande est là, notamment de la part des pays du sud, mais aussi parce que les marges dans les énergies fossiles restent très élevées. D’ailleurs, les épargnants qui nous écoutent et sont investis en Bourse le savent bien, les sociétés cotées actives dans le renouvelable ont nettement moins bien performé que les actions « sales » ou « brunes », autrement dit, les actions des sociétés pétrolières et gazières. Ce qui revient à dire brutalement que l’éthique ne rapporte pas, en tout cas pas à court terme.
Je lisais certains éditorialistes qui constatent que le cours du pétrole n’est pas loin d’être au plus bas, et que donc la tentation est grande d’en consommer toujours autant. Et donc, selon eux, plutôt que de chercher par tous les moyens de faire baisser la demande, ils se demandent s’il ne faudrait pas restreindre l’offre de pétrole pour en faire augmenter le prix. C’est, je crois modestement, une pure vue de l’esprit. Augmenter les prix, les économistes parlent de signal prix, c’est beau dans les manuels ou les éditoriaux, mais la réalité, c’est que quand le prix augmente, notamment à la pompe, vous avez les gilets jaunes ! N’oublions jamais, et c’est une triste morale hélas, qu’entre la fin du mois et la fin du monde, le public choisit toujours la fin du mois et la fin du monde est priée d’attendre.
On ne vous le dira pas aussi brutalement que je vais le faire, mais les chefs d’États occidentaux le savent bien. Pendant que les conférences sur le climat vont s’enchainer, et tout en luttant un peu ou beaucoup contre le réchauffement climatique, les pays riches se préparent à vivre avec une température plus élevée. Je termine en vous donnant la plus belle définition de l’enfer : l’enfer, c’est le jour où la personne que vous êtes devenue rencontre la personne que vous auriez pu être. À méditer à propos de notre léthargie à agir sur le climat.
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