Philippe Ledent
Quel est le secret de l’économie américaine ?
Sur le long terme, l’économie américaine performe bien mieux que la zone euro. Ce fait a déjà été longuement documenté, en ce compris dans le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne. De fait, les États-Unis restent une formidable machine à idées, à innovations et in fine à croissance.
Cette tendance favorable aux États-Unis se double d’une étonnante résistance aux chocs conjoncturels. Certes, le spectre de la récession refait surface épisodiquement. On a pu le voir récemment lors du “choc” du mauvais rapport sur l’emploi en juillet, qui a provoqué d’importants remous sur les marchés financiers au début du mois d’août. Alors que certains indicateurs montraient depuis un moment déjà que l’économie américaine était plus fragile, et exposée à certains risques, dont la difficulté pour un nombre croissant de ménages américains à tenir leurs engagements en matière de crédit à la consommation, l’affaiblissement du marché du travail semblait soudainement confirmer un ralentissement inéluctable de l’économie.
Néanmoins, à peine quelques semaines plus tard, l’oncle Sam nous a une nouvelle fois surpris en délivrant un rapport sur l’emploi très solide en septembre. Jugez-plutôt : plus de 250.000 emplois nets créés (un chiffre comparable au rythme de 2023) et un taux de chômage qui diminue à nouveau clairement. Au-delà, le flux de personnes s’inscrivant au chômage repart à la baisse, après une hausse presque ininterrompue durant la première moitié de l’année. Même s’il ne faut jamais se focaliser sur une seule statistique et que l’image globale de l’économie reste entachée par des faiblesses, les chiffres de l’emploi sont tellement inattendus qu’il y a de quoi, une fois de plus, douter de ce fameux ralentissement de l’économie américaine, ou du moins de quoi le postposer.
Cette capacité à sans cesse prolonger les périodes de croissance mérite que l’on en tire quelques leçons de ce côté de l’Atlantique.
Comment expliquer une telle résilience ? D’un point de vue financier, l’insolence boursière des géants de la technologie laisse penser que les développements de l’intelligence artificielle et les outils qui y sont associés percolent déjà dans l’économie. C’est possible, mais à court terme, il est surtout probable que les gains engrangés sur les marchés boursiers (les actions américaines ont encore progressé de plus de 25% depuis le début de l’année, tirées par les géants de la tech) encouragent les ménages américains à poursuivre leur consommation frénétique.
L’incroyable flexibilité de l’économie américaine peut aussi expliquer en partie sa capacité à se relancer, de nouvelles activités prenant sans cesse le relais de celles qui périclitent. Mais surtout, n’oublions pas que les plans de relance et d’investissement du président Biden continuent de doper l’économie, et ce, non pas seulement au travers d’une simple dépense keynésienne dont les pays européens sont si friands, mais au travers d’une politique de l’offre visant à attirer des entreprises, des secteurs et des innovations.
S’agit-il d’un bouclier parfait contre toute forme de ralentissement ? Je ne le pense pas. Les cycles font partie intégrante de la vie d’une économie, et toute période de forte croissance génère son lot d’exagérations et de déséquilibres que seul un ralentissement économique peut corriger. Mais il faut avouer que cette capacité à sans cesse défier les prévisions, les modèles et à prolonger les périodes de croissance mérite que l’on en tire quelques leçons de ce côté de l’Atlantique.
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