Eddy Caekelberghs

Que veut la Chine?

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Après avoir présenté le plan chinois de résolution du conflit ukrainien lors de la conférence de Munich, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, l’a également présenté à Moscou. Le Kremlin (par la voix des Affaires étrangères russes) a déclaré apprécier ces efforts. L’Ukraine, elle, a déclaré que son propre plan de paix serait prioritaire, mais qu’elle restait ouverte aux propositions. Mais quelles sont les véritables motivations de Pékin? La question mérite d’être débattue.

Début de réponse: sur Facebook, Valeriy Pekar, journaliste ukrainien et professeur à la Kyiv Mohyla Business School, n’est pas très optimiste. “Il est clair que la Chine n’est pas du côté de la Russie, écrit-il. Et qu’elle ne sera jamais non plus du côté de l’Ukraine. La Chine est du côté de la Chine. (…) Avec son ‘plan de paix’, qui n’en sera pas un, la Chine envoie un message et un seul à toutes les parties: le pays est un acteur important et tout doit être fait pour que ses intérêts soient pris en compte.”

Mais dans la sphère russe, le quotidien économique Kommersant y lit, lui, le fait que la Chine perd patience. Kommersant explique l’objectif de Wang Yi: “Pékin, qui subit des pertes – suite aux difficultés des chaînes logistiques internationales et à de nombreuses restrictions –, se sent visiblement mal à l’aise. C’est pourquoi Pékin ne veut pas attendre que la situation se résolve d’elle-même, il souhaite qu’une solution soit trouvée au plus vite”.

Le morcellement de l’unité européenne a toujours été l’un des objectifs des dirigeants russes. Objectif russe partagé par Pékin.

Mais alors quelle(s) solution(s)? Et plus précisément: quelle solution qui garantisse à Pékin de pouvoir encore accéder aux marchés occidentaux indispensables à son économie, s’interroge- t-on cette semaine dans la presse polonaise. “Les matières premières bon marché en provenance de Russie et l’ouverture du marché russe aux exportations chinoises ne l’emportent pas sur les risques liés à la restriction de l’accès de la Chine aux marchés et technologies occidentaux”, peut-on lire dans Polityka.

Vue de Turquie, la proposition chinoise est au contraire considérée comme une possible fracture du “bloc” occidental! Ainsi, pour le quotidien Cumhuriyet, “les pays du Sud sont beaucoup plus réceptifs à la diplomatie chinoise, en raison du soutien diplomatico-financier qui l’accompagne, et seront donc plus enclins à accepter le plan de paix. Dans cette configuration, le scénario d’un isolement de Poutine pourrait se transformer en un isolement des Etats-Unis”.

Dès lors, même si de Berlin à Paris, de Varsovie à Rome, on clame l’attachement indéfectible à l’Ukraine, se pourrait-il que l’on force des négociations territoriales pour sortir du conflit? La chose ne serait pas aisée, cela dit. En Grèce, le journal Ethnos (appartenant à l’homme d’affaires gréco-russe et propriétaire de l’équipe de football du PAOK Salonique, Ivan Savvidis, qui l’a acheté au cours de l’été 2017) pose la question des frontières: “Assistera-t-on à la création de zones de souveraineté territoriales, que certains Etats reconnaîtront tandis que d’autres s’en abstiendront? Face à un tel scénario, il deviendrait alors impossible de discuter de l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’UE, tant son territoire serait contesté”.

Et l’historien lituanien Valdemaras Klumbys conclut: “Il existe [en Lituanie] une animosité croissante envers l’Europe de l’Ouest accusée de ne pas nous comprendre et de ne pas soutenir suffisamment l’Ukraine et nos propositions. Je tiens à rappeler que le morcellement de l’unité européenne a toujours été l’un des objectifs des dirigeants russes”. Objectif russe partagé par Pékin. Et, en attendant, la guerre continue!

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