Mener à bien un exercice budgétaire en 2025 est tout sauf une évidence. Croissance minime, vieillissement accéléré, dette accumulée et antagonismes politiques rendent l’équation épineuse, d’autant que le populisme flaire l’odeur du sang. Le gouvernement fédéral de Bart De Wever en a fait l’amère expérience ces dernières semaines, tout comme la France voisine. Économiser des milliards à la pelle, ce n’est pas vendeur. Le sens de la responsabilité se perd. Et si la polarisation de la politique n’aide pas à concilier les contraires, la responsabilité réside aussi dans le fait que l’on n’ose pas trancher sur le fond.
On attend trop de l’État. C’est un état d’esprit inculqué au fil des années et des interventions de toute nature. Crise financière, pandémie de covid, débâcle d’un secteur, guerre à nos portes… : encore et toujours, on se retourne vers une politique que l’on décrie par ailleurs. Comme un réflexe naturel. Comme une protection qui inhibe, aussi. Changer de paradigme est tout sauf évident. Comment faire pour développer une “stratégie de croissance” ? Comment soutenir l’esprit d’entreprise envers et contre tout ? Comment faire comprendre que les temps ont changé ? Le nerf de la guerre est là.
Dans un débat passionnant, les économistes Rudy Aernoudt et Bruno Colmant ont échangé leurs arguments pour Trends-Tendances. Tous deux engagés – l’un libéral travaillant pour le président du MR, Georges-Louis Bouchez, l’autre “social-humaniste” ayant viré sa cuti –, ils insistent sur le cœur de l’enjeu : “Il faut redéfinir le périmètre de l’État”. Sont-ils d’accord ? Pas du tout. Le libéral estime qu’il y a de la place pour réduire son envergure à 44% du PIB contre 54% aujourd’hui. Le “social-humaniste” insiste sur le caractère “stratège” de sa mission et ne s’engage pas en ce sens. Loin de là.
N’est-il pas temps d’oser mener ce débat sur le rôle de l’État plutôt que de s’étriper sans cesse, mesure contre mesure, parti contre parti ? De même, ne faut-il pas avoir une vision intégrée de tous les niveaux de pouvoir belges ? Aujourd’hui, fédéral, Régions, Communautés et pouvoirs locaux se renvoient la responsabilité des dérapages et… les coûts dérivés des mesures prises à d’autres niveaux. La conséquence de ce non-dit : on pratique en permanence la tactique de la “râpe à fromage”. En d’autres termes, on lisse les délais, on ne remplace pas des départs, on décide de mesures qui astreignent plutôt qu’elles ne fixent des caps clairs.
Un jour ou l’autre, l’Arizona devra bien mener ce bras de fer sur la place de l’État.
Le débat sur nos bijoux de famille est logé à la même enseigne. On envisage de privatiser partiellement Belfius pour financer les dépenses en matière de défense. C’est là un demi-choix qui n’a pas de sens en termes de gouvernance, et cela tend à oublier que la banque est vitale pour les dividendes versés chaque année. Proximus, apprend-on, aurait pu être rachetée progressivement par le milliardaire français Xavier Niel (Free). Le gouvernement aurait bloqué l’idée, par crainte de son impact social et parce que Proximus n’est pas en situation idéale pour être vendue à bon prix. Mais sur le fond, l’État doit-il garder un opérateur de télécoms ? Ou une bpost qui se penche sur les colis aux entreprises ? Là encore, quelles sont les missions fondamentales de nos services publics ?
Ce bras de fer sur la place de l’État, l’Arizona devra bien le mener, un jour ou l’autre. Mais dans notre pays complexe, tant sur le plan des orientations politiques que des bastions institutionnels, cela risque de mener à… de nouveaux blocages. Comme si l’on était condamné à vivre dans un entre-deux peu satisfaisant. Mais réformer, n’est-ce pas aussi oser trancher ?