Amid Faljaoui
Quand les start up passent du mode Licorne à celui de… crapaud
Passer d’un monde à l’autre ne se fait jamais sans douleur. C’est le cas aussi en économie : nous sommes passés brutalement d’un monde où l’argent était presque gratuit, vu que les taux d’intérêt étaient fixés artificiellement à 0% lorsqu’ils n’étaient pas négatifs, à un retour à la normale.
C’était une aberration en soi, mais qui permettait à certains États comme l’Allemagne d’emprunter à taux négatifs. Aujourd’hui, avec le retour de l’inflation, et donc la hausse des taux d’intérêt qui va avec, le monde refonctionne comme avant. Bien sûr, il y a quelques remous, quelques craquements, voire même quelques faillites bancaires aux États-Unis, mais ce retour à la normale est globalement positif.
Notamment, parce qu’il va nous empêcher de continuer à faire des bêtises. Prenez les Etats, par exemple des pays comme la Belgique ou la France, ils ont pris la mauvaise habitude de ne jamais équilibrer leurs comptes et de quasi toujours terminer l’année en déficit. Déficit qui augmente mécaniquement notre dette publique. N’oublions pas que la vraie définition de la dette publique, c’est qu’elle est la somme de tous nos déficits annuels, et donc, en gros, la somme de toutes nos lâchetés collectives. Sous prétexte de ne pas faire le ménage dans nos dépenses et nos recettes, nous accumulons le fardeau des futures générations qui hériteront de nous d’une dette environnementale et budgétaire.
C’est pourquoi il est heureux de voir que la Commission européenne a sifflé la fin de la récréation en rappelant aux États membres qu’ils doivent respecter les critères de Maastricht, c’est-à-dire ne pas avoir un déficit budgétaire supérieur à 3% et une dette publique qui ne doit pas dépasser 60% de notre richesse nationale. Sur ce dernier point, 15 pays de l’Union européenne sont en contravention. Et donc, pour éviter d’appliquer un règlement à l’aveugle, la Commission a demandé aux pays membres de justifier leur non-respect de ces critères, mais surtout d’expliquer ce qu’ils comptent faire pour corriger le tir, surtout en cette période de hausse des taux d’intérêt. C’est une bonne nouvelle, car cette surveillance de l’Europe évitera que des partis extrêmes ne viennent avec des propositions mirages du type « demain, on rase gratis » ou « il n’y a qu’à prendre l’argent où il est ». Cela c’est pour les États, sommés de gérer leur budget, comme n’importe quel ménage.
Mais ce retour à la normale se vérifie aussi dans le monde des entreprises, et en particulier chez les start up. Quand l’argent était gratuit et qu’il n’y avait pas d’alternatives, on avait assisté à une floraison de levées de fonds avec des valorisations ahurissantes, car ces start up n’avaient pas de vrai business plan, ni même de rentabilité. Le discours ambiant consistait à dire : pas de souci, nous sommes le nouvel « Airbnb » de ceci ou le nouvel « Uber » de cela, et l’important est d’abord de noyer le marché avec notre produit ou notre service et la rentabilité suivra plus tard quand on aura conquis le marché en question. Oui, sauf que dans bien des cas, la rentabilité ne suivait pas et les PowerPoint de ces start up apparaissaient comme de simples promesses, fondées sur un peu de caféine et beaucoup d’esbroufe.
Mais aujourd’hui, le vent a tourné, et les valorisations des start up se sont écrasées avec la hausse des taux d’intérêt. Les start up valorisées un milliard de dollars et baptisées Licornes sont parfois passés du stade de Licorne à celui de crapaud comme le Prince charmant de nos contes d’enfant. C’est un dur atterrissage, mais il est très sain : on va enfin reparler de rentabilité, on revient enfin sur terre. Qui s’en plaindra ?
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici