Amid Faljaoui
Quel est le lien entre les primes d’assurance et un vote à l’extrême droite?
Personne n’aime payer sa prime d’assurance. Mais c’est souvent considéré comme un mal nécessaire pour s’assurer contre les aléas de la vie. Et comme la vie est tout sauf un long fleuve tranquille, on paie sa prime et on libère du même coup son esprit.
Oui, sauf que depuis que l’inflation a fait son retour en Europe, le nombre de personnes qui refusent ou estiment plus nécessaire de s’assurer a malheureusement augmenté. Voilà le constat établi par le régulateur européen des assurances au travers d’un sondage. C’est en soi une très mauvaise nouvelle comme le précisent mes confrères du quotidien économique Les Echos, car qui dit absence d’assurance, dit risque d’exclusion de la société en cas d’accident de la vie. La faute incombe à l’inflation qui a permis aux assureurs d’indexer les primes d’assurances non-vie, sans oublier les franchises qui ont, elles aussi, pris l’ascenseur vers le haut.
Les assureurs se défendent en disant qu’ils n’avaient pas trop le choix vu que l’inflation les touche également au travers de l’augmentation des frais de réparation pour l’assurance auto par exemple. Et selon ce sondage, l’inflation – donc le coût de la vie – serait à l’origine d’un non-renouvellement des assurances essentielles (vie/santé/habitation) dans 6 cas sur 10. C’est énorme et c’est évidemment beaucoup trop !
Les élections européennes approchent à grands pas et la plupart des observateurs s’inquiètent d’une percée des partis d’extrême droit, mais c’est oublier qu’une population qui ne s’assure pas ou moins est par définition une population qui a peur de l’avenir, et la peur de l’avenir pousse souvent dans les bras des partis extrêmes.
Donc, oui, c’est contre-intuitif, mais l’assurance a un impact politique que l’on sous-estime. Vous savez que la mission de cette chronique économique est aussi de jouer le rôle de canari dans la mine, autrement dit, de prévenir des dangers parfois invisibles aux yeux du grand public, comme celui que je viens d’évoquer à savoir cette tendance à la sous-assurance de certains citoyens parmi les plus fragiles en raison de l’inflation. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui peuvent succomber aux sirènes de l’assurance directe, en clair, l’assurance sans courtier et donc uniquement on line. C’est vrai que c’est un gain de temps, et un confort certain, mais attention à ne pas cliquer non plus de manière impulsive comme le font remarquer mes confrères des Echos.
La plupart des assureurs font bien leur boulot, mais d’autres peuvent jouer sur notre impulsivité : certains sites sont conçus de telle manière que les options sont déjà cochées à notre place, avec parfois des options qui ne sont pas les plus favorables, et d’autres sites peuvent jouer sur des éléments psychologiques bien connus, comme la pression des pairs, avec des phrases du genre « vous êtes le dernier a ne pas avoir encore cette assurance ». En clair, certains assureurs ont pris les mauvaises habitudes de manipulation psychologique des GAFAM de la Silicon Valley.
Gardez à l’esprit que tout ne doit pas s’acheter d’un seul clic et qu’il faut parfois, surtout pour des assurances habitation ou des placements, ne pas hésiter à passer par les conseils d’un agent. L’autre habitude qu’il faut combattre et notamment chez les plus jeunes et les minorités, c’est celle qui consiste à arrêter de cotiser à des assurances-vie. C’est une erreur, car dans l’esprit de ces personnes, il sera toujours temps de s’assurer plus tard. Erreur, comme l’a dit Albert Einstein, les intérêts composés sont la 8e merveille du monde. Les Echos nous rappellent qu’une personne qui commence à cotiser à 55 ans plutôt qu’à 35 ans devra diminuer par quatre le montant à consacrer à ses vieux jours. Autant le savoir.
Comme quoi être assuré, c’est non seulement se protéger des aléas de la vie, mais c’est aussi éviter un vote vers l’extrême. C’est hélas également le genre de sujet que je n’entends pas dans les discours de nos politiques.
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