Pourquoi l’industrie automobile ne veut pas revenir sur la date de 2035 ?

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Amid Faljaoui

Il n’y a pas que les élections nationales qui sont enflammées, les élections européennes du 9 juin prochain suscitent aussi pas mal de débats. Les députés européens ont déjà remis en cause la politique agricole européenne qui a mobilisé les agriculteurs pendant quelques semaines.

Maintenant, le sujet à la mode, chez les eurodéputés, c’est l’interdiction de vendre des voitures à essence ou diesel en 2035 en Europe. Bien sûr, le sujet n’est pas neuf mais est redevenu un sujet de campagne pour les députés européens de la droite populaire. A priori, l’idée est vendeuse en surface. La raison ? Les classes populaires et moyennes risquent d’avoir des difficultés à être mobiles demain ou après-demain avec des voitures électriques 40% plus chères qu’une voiture thermique.

Qui plus est, les eurodéputés qui veulent retarder cette date de 2035 pensent qu’ils font aussi plaisir aux industriels. Après tout, les industriels de l’automobile étaient contre cette date qui, disaient-ils, ne leur laissait pas le temps de s’adapter, sans compter le fait que la déferlante des voitures chinoises électriques dans nos rues européennes semble leur donner raison.

Le débat actuel est d’autant plus important qu’il y a une autre date – méconnue du grand public – et c’est celle de 2026. À cette date-là, il y a ce qu’on appelle une clause de « revoyure » qui permettrait d’adapter la date fatidique de 2035. Mais le plus drôle dans cette affaire, c’est que les industriels ne sont pas demandeurs d’un changement de date ! Ils passent d’ailleurs leur temps à le dire aux politiques qui croient leur faire plaisir en remettant tout en cause. En réalité, ces députés de la droite populaire ne leur font pas plaisir mais compliquent encore plus la gestion de leur industrie.

Comment pareil revirement est-il possible ? Après tout, ce sont ces industriels de l’automobile qui se sont plaints les premiers contre cette date d’interdire toute vente de voiture essence ou diesel après 2035 ? Et ce sont aussi ces mêmes industriels de l’automobile qui ont pesté contre l’arrivée des voitures électriques chinoises sur le sol européen ?

Oui, tout cela est vrai. Le patron le plus vocal sur le sujet était Carlos Tavares, le patron de Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat). Mais même lui dit aujourd’hui qu’il ne faut plus rien changer. Étonnant, non ? Non pas lorsque l’on sait que l’industrie automobile est une industrie lourde qui a besoin de temps long pour s’adapter.

Or, depuis que les eurodéputés ont voté cette interdiction de vendre des voitures essence et diesel à partir de 2035, les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs ont déjà misé 250 milliards d’euros pour faire leur transition énergétique. Et ces milliards d’euros ont servi à adapter leurs usines, construire des plateformes automobiles électriques et également construire des giga-factories de batteries. Bref, maintenant que les lignes de production sont là, ce n’est pas le moment de les laisser à l’arrêt. En langage populaire, on dirait quand le vin est tiré, il faut le boire.

D’ailleurs, pour Carlos Tavares, ce débat sur la date de 2035 est un débat du passé, la décision a été prise, on peut la regretter, mais maintenant il faut aller de l’avant et ne pas plaider pour un retour en arrière. Le patron de Stellantis va même plus loin. À ceux et celles qui lui disent, d’accord, on ne peut pas revenir en arrière, mais ne peut-on pas au moins reporter de quelques années cette date de 2035 ? Et là, la réponse est immédiate : « La planète se réchauffe, elle n’attend pas. Et par ailleurs, plus on attend, plus l’écart avec la concurrence chinoise sera grand ».

En réalité, ce que l’industrie automobile attend des politiques, ce n’est pas qu’ils changent d’avis pour leur faire plaisir, mais ce qu’elle veut, c’est de la stabilité pour la simple raison que l’industrie automobile est une industrie lourde qui travaille sur des horizons de dix ans au minimum. Le souci des politiques, c’est qu’ils ne gouvernent plus sur la base de raisonnements, mais pour répondre à nos émotions. Regardez autour de vous : notre démocratie est devenue une démocratie d’émotions et d’opinions aussi rapidement changeantes qu’un fil TikTok.

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