Amid Faljaoui

Porsche, ou le retour brutal du réel

Vous savez, on pense souvent que les marques mythiques sont à l’abri des erreurs stratégiques. Eh bien non. Même les plus solides peuvent se tromper de trajectoire. Et c’est exactement ce qui arrive à Porsche.

Le constructeur allemand Porsche vient d’annoncer des chiffres qui ont fait tousser les marchés : 40 millions d’euros de bénéfice opérationnel sur les neuf premiers mois de 2025, contre plus de 4 milliards un an plus tôt. Et au troisième trimestre, la marque est carrément passée dans le rouge, avec près d’un milliard d’euros de pertes.

Oui, Porsche, symbole de performance et de rentabilité, vient de caler.

Le virage trop rapide de l’électrique

Depuis plusieurs années, Porsche voulait faire oublier le “dieselgate” de sa maison-mère VW et afficher des ambitions vertes. Le plan était simple : électrifier la gamme à marche forcée, avec un objectif de 80 % de voitures zéro émission d’ici 2030. Sur le papier, tout collait : la réglementation européenne, les investisseurs, l’air du temps. Sauf que la route est devenue plus glissante que prévu.

En Chine, ses ventes ont reculé de 26 %. Aux États-Unis, les 15 % de droits de douane sur les voitures européennes ont pesé lourd. Et les clients, surtout ceux du luxe, n’ont pas encore adhéré massivement à l’électrique. Ils aiment toujours le bruit, la vibration, le caractère.

Résultat : des projets de modèles électriques abandonnés, des investissements à perte, et près de 2 milliards d’euros de charges pour corriger la trajectoire.

Le retour au pragmatisme

Porsche a donc décidé de revoir sa copie. Les futurs modèles Macan et Cayenne auront à nouveau des versions thermiques et hybrides. Quant au projet d’un grand SUV 100 % électrique, il est mis de côté. Et un nouveau patron, Michael Leiters, ancien de McLaren, prendra le volant début 2026 pour remettre de l’ordre dans la stratégie. C’est un virage prudent, mais assumé.

D’autant que le contexte politique change lui aussi : en Allemagne, le chancelier Friedrich Merz évoque déjà la possibilité de revoir l’interdiction du moteur thermique prévue pour 2035. D’autres pays européens semblent d’ailleurs vouloir le suivre dans cette direction. Quant aux États-Unis, Donald Trump a clairement ralenti le soutien aux véhicules électriques.

Un changement de tempo

Ce qui se joue ici, c’est moins une remise en cause du tout électrique qu’un ajustement de rythme. Porsche n’abandonne pas la transition, mais elle admet qu’elle coûte plus cher, prend plus de temps et exige une demande plus solide. Et dans l’industrie automobile, où chaque point de marge compte, ce genre d’équilibre devient vital. On peut y voir une forme de réalisme économique. L’électrique reste l’avenir, mais il faut parfois rétrograder pour mieux accélérer ensuite.

Et c’est ce que fait Porsche : adapter la stratégie sans renier la direction.

Prix à payer

L’histoire est intéressante, parce qu’elle montre qu’il n’y a pas de plan parfait. Même une marque qui semblait infaillible doit composer avec la réalité du marché, des coûts et des clients.

Alors oui, Porsche a perdu un peu de sa superbe cette année. Mais c’est peut-être le prix à payer pour retrouver, demain, la stabilité et la vitesse juste.

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