Amid Faljaoui
Plus de CO2 ou moins d’emplois ? Le nouveau chantage qui détourne la concurrence automobile
La question peut sembler simple : faut-il choisir entre plus de CO2 ou moins d’emplois ? Présentée ainsi, la décision paraît cornélienne et difficile à trancher. Pourtant, c’est exactement ce que les constructeurs automobiles européens ont suggéré aux dirigeants de la Commission européenne la semaine dernière.
Il est important de noter que les constructeurs automobiles européens ne contestent pas la date de 2035, année à partir de laquelle la vente de voitures thermiques sera interdite sur le sol européen. Ce qu’ils remettent en question, c’est une échéance plus proche, celle de 2025. Dans moins de quatre mois, l’industrie automobile européenne devra réduire de 15 % ses émissions moyennes de CO2. Pour atteindre cet objectif, chaque constructeur devra vendre davantage de véhicules électriques afin de compenser les émissions des modèles thermiques.
Le marché des voitures électriques en difficulté
Cependant, cette logique se heurte à la réalité. Excepté en Belgique, où le marché des voitures électriques est soutenu par les politiques liées aux voitures de société, les ventes de véhicules électriques stagnent ailleurs en Europe. Plusieurs facteurs expliquent ce ralentissement : le manque d’infrastructures de recharge, la réduction des aides fiscales, et le coût croissant de l’électricité.
Pour se conformer à la réglementation de 2025, une voiture sur cinq vendue devrait être électrique. Or, les statistiques montrent que ce n’est pas le cas actuellement.
Le lobby automobile demande un report
Face à cette situation, le lobby des constructeurs automobiles européens réclame un report de deux ans de la date butoir de 2025. Selon leurs calculs, sans ce report, les amendes infligées pour non-conformité aux normes CO2 pourraient atteindre 15 milliards d’euros.
Mais ce n’est pas tout. Les constructeurs soulignent également que, si le délai n’est pas prolongé, ils n’auront d’autre choix que de réduire la production de véhicules thermiques pour éviter ces amendes. Un texte non signé circulant au sein de la Commission européenne prévoit que cela pourrait entraîner la fermeture de huit usines automobiles en Europe. En d’autres termes, ils pressent la Commission : accorde-nous deux ans de plus, ou l’emploi souffrira.
Plus de CO2 ou moins d’emplois ?
La question est donc posée : faut-il privilégier une réduction des émissions de CO2 au risque de perdre des emplois ? Pour certains, deux ans supplémentaires ne semblent pas excessifs si cela permet de préserver des emplois. D’autres estiment qu’un calendrier a été établi, et que ne pas le respecter revient à fausser la concurrence sous couvert de chantage à l’emploi.
Certains groupes comme BMW ou Stellantis, qui regroupe Fiat, Opel et Peugeot, soutiennent le maintien de la date de 2025. Pour eux, cette échéance a nécessité des milliards d’euros d’investissements, et ils considèrent qu’elle fait partie du jeu de la concurrence. En filigrane, ils laissent entendre que si d’autres constructeurs, comme Renault, ne parviennent pas à suivre, c’est leur responsabilité.
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