Eddy Caekelberghs

En élisant Trump, l’électeur a choisi la démocratie menteuse mais proche, performante mais injuste

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Trump est président. On peut en rire ou en pleurer mais c’est un fait : il a convaincu. Les états ont choisi. Les électeurs ont voté. Les urnes ont parlé. Les Chambres du Congrès sont à Trump. Et un homme ayant encouru deux procédures de destitution, un repris de justice condamné pour falsification de documents comptables, en attente de procès pour l’assaut du Capitole, un homme aux accents de sauveur messianique va investir, à nouveau, la Maison Blanche.

Vieux. Misogyne. Revanchard. Raciste. Homophobe. Menteur. Dangereux. Mais il a séduit le peuple. Il l’a flatté. En prenant le peuple comme il prétend prendre les femmes. Comme une courtisane effrayée par la vieillesse. Il a rassuré ces électeurs en leur disant qu’ils sont le peuple le plus prometteur, le plus ingénieux. Qu’on les a privés de leur réussite méritée. En dépit de tous chiffres, de toutes preuves, de toutes réalités puisqu’il ne s’adresse qu’aux affects. Comme toutes celles et ceux proches de nous qui nous engluent dans une dérive extrémiste du repli sur soi et d’une pseudo grandeur passée qu’ils et elles promettent de restaurer. Vaines promesses. Mais Trump l’a dit, l’a susurré, comme une confession : Dieu l’a protégé pour sauver l’Amérique. Alors …

L’électeur a choisi la démocratie autoritaire mais rassurante, menteuse mais proche, performante mais injuste.


Alors tout va bien. L’Amérique sera grande à nouveau. Alors que cette élection signe tout d’abord le chant du cygne de l’hyper-libéralisme. Ce fameux néolibéralisme qui en fait recycle les vieilles idées fascistes. Plus d’inégalités dans les faits, une promesse de bonheur dans les paroles. De ces lendemains qui chantent et déchantent tout aussi vite. Où l’on vilipende les corrompus du système, cibles expiatoires des maux réels et supposés, tout en cachant (à peine, en fait) ses propres turpitudes. Mais le peuple veut y croire. Puisqu’il a peur. L’Amérique a peur. Ne veut pas d’une femme. Pas d’une femme de couleur. Pas de cette supposée clique des villes qui nierait l’Amérique des champs.

Mais, sincèrement, pensez-vous que la Hongrie ou l’Italie ou les Pays-Bas aillent mieux ? Que le Royaume-Uni “brexitaire” aille mieux ? Que la France aille mieux ? Que nous allions mieux ? Illusions. Ici aussi certaines “forces de progrès” n’entendent pas les peurs ataviques (fussent-elles inventées), peinent à éveiller l’envie et, surfant sur l’esprit identitaire, croient y trouver une société pacifiée alors que leurs “alliés” répondent aux paradigmes les plus rétrogrades. Et la fracture s’installe.

Quand deux milliardaires – Trump et Musk – se frottent les mains, quelque chose me dit que les progressistes ont failli. Par leurs compromissions avec tout ce qui est source – réelle ou supposée – de peurs et de déréliction. Ces forces qui devraient incarner l’espoir et le progrès sont bien incapables de convaincre. Alors l’emporte ce que Antonio Scurati appelle la “politique de la peur”. Cette politique mussolinienne populiste qui précède – de peu – sa cousine fasciste. Peurs, angoisses, fondées ou non.

Et, à ce stade, plus question de point Godwin. L’électeur a choisi. C’est le prix de la démocratie. Il l’a choisie autoritaire mais rassurante, menteuse mais proche, performante mais injuste. Le pire, c’est que l’alternative, souvent, paraissait tout aussi incapable d’entendre ces peurs, ces attentes frustrées et d’y répondre. C’est pourtant ça la politique. Non ?

Les réseaux sociaux ont aggravé les choses, c’est évident. Elon Musk a contribué, il en sera remercié. Le monde court vers la déflagration. Les autoritaires vont dialoguer et/ou s’affronter. Et les pièces de leur jeu, c’est nous ! Mais le savons-nous ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content