Typhanie Afschrift

Pensions: entre l’injustice et la faillite

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

La confiance envers les pensions d’Etat ne peut que s’effriter devant l’évidence d’engagements pris à la légère et non finançables.

Pendant des mois, nous avons assisté à l’incapacité du gouvernement à conclure un accord sérieux en matière de pensions. Seule la menace de l’Union européenne a obligé les partis à conclure un compromis boiteux qui ne résout aucun des problèmes, pourtant cruciaux, qui se posent. Les partis sont coincés entre, d’une part, une inadéquation entre le financement des pensions et les engagements pris, et, d’autre part, des revendications égalitaristes très discutables.

Tout le problème vient pourtant de la conception même de notre système. Les caisses sont pratiquement vides, et elles l’ont toujours été parce que lorsque les premières pensions ont été accordées, on a choisi le système de la répartition et non celui de la capitalisation. Pour rappel, avec le mode “répartition”, on a dès le départ attribué des pensions (certes à l’origine sous condition) aux personnes ayant un certain âge alors qu’elles n’avaient jamais payé la moindre cotisation. Cela implique nécessairement que ces pensions étaient financées par les nouveaux cotisants, un peu comme dans une pyramide de Ponzi. Les bénéficiaires, pour des raisons sociales, ont ainsi bénéficié d’un cadeau pur et simple.

Système structurellement déficitaire

Beaucoup de pensionnés ou de personnes payant des cotisations s’imaginent qu’ils paient “leur” pension et que leurs cotisations sont une espèce d’épargne. Il n’en est rien: ils paient la pension des autres et n’ont qu’à espérer que d’autres encore financeront la leur, le moment venu. C’est là leur demander une énorme confiance en notre système étatique.

Aujourd’hui, alors que l’espérance de vie s’accroît, que les gens travaillent de moins en moins et paient donc moins de cotisations, et souhaitent souvent arrêter de travailler plus tôt, on se retrouve devant un système de déficit structurel. En clair, avec les cotisations pourtant très élevées payées aujourd’hui, il n’est pas possible d’offrir les pensions promises à ceux qui la touchent déjà et à ceux qui la toucheront bientôt. Or, le gouvernement peut difficilement encore imposer davantage les revenus du travail en augmentant les cotisations, et il se refuse à augmenter l’âge effectif la retraite, très nettement inférieur, dans notre système, à son âge théorique. En clair, le système est appelé à faire faillite un jour.

Pendant ce temps, certains s’obstinent à vouloir non seulement une plus grande égalité dans les pensions accordées par l’Etat mais s’en prennent aux pensions complémentaires qui, fondées sur la capitalisation, relèvent, elles, purement et simplement, de l’épargne. Ils voient des “inégalités” dans le fait que certains touchent, en plus de la souvent misérable pension d’Etat, une pension complémentaire qu’ils ont pourtant financée avec une épargne que d’autres n’ont pas produite. Il faut au contraire se rendre compte que ces pensions complémentaires sont les seules à pouvoir sauver, partiellement, un système en complète perdition.

La confiance dans le système des pensions d’Etat ne peut que s’effriter devant l’évidence d’engagements pris à la légère et non finançables. Les pensionnés et futurs pensionnés ne peuvent dès lors considérer comme seul refuge réellement crédible que la pension complémentaire, celle qu’ils ont financée eux-mêmes. Certes, cela implique des pensions d’un niveau différent entre les personnes, comme il y a des revenus d’un niveau différent. C’est normal, puisque c’est la conséquence de l’exercice de la liberté de chacun: épargner ou non.

Il faut cesser de voir des inégalités partout et se croire obligé d’y mettre fin. Le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek faisait très justement remarquer qu’il y a une différence entre traiter les personnes égalitairement, et les forcer à être égales.

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